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2023 : les trente ans de la Royal Oak Offshore d'Audemars Piguet, dite "The Beast"


Alors qu’Audemars Piguet vient de dévoiler quatre éditions anniversaires rendant hommage à sa fameuse Royal Oak Offshore, une création du designer Emmanuel Gueit lancée en 1993, revenons sur l’histoire de cette montre de légende qui fut longtemps considérée comme la « bête » tant elle en imposait au poignet de ceux qui l’adoptèrent dès les débuts… Aujourd’hui, une véritable icône de l’horlogerie.



Lancé en 1993 dans la foulée des vingt ans de la Royal Oak de Gerald Genta, le modèle Offshore crée à sa sortie une onde de choc encore plus grande que celle de sa grande sœur en 1972. Ses proportions démesurées pour l’époque (42 mm), son large joint d’étanchéité en caoutchouc (visible) et son esthétique virile lui valent le surnom de « The Beast », la Bête.
 
Créée par le designer Emmanuel Gueit (designer de père en fils puisque fils de Jean-Claude Gueit, « papa » de la Polo de Piaget et de la Riviera chez Baume et Mercier), la Royal Oak Offshore puise son inspiration dans le foisonnement créatif des années 1980 et dans les courses de yachts ultrapuissants qui inspireront son nom.
 
Décrié par beaucoup mais adopté par la jeune génération en quête de sports extrêmes (même si malgré les apparences, ce garde-temps restait fragile -notamment sa mécanique-, c’était d’ailleurs là son talon d’Achille surtout compte-tenu du prix des réparations chez AP…), le modèle devient une collection à part entière, imposant ses codes esthétiques audacieux.

« L’idée à l’origine de la Royal Oak Offshore était de créer une montre leader pour les années 1990, inspirée des courses de bateaux à moteur et destinée à la jeune génération. Le scandale qu’elle provoque à sa sortie est proportionnel à sa démesure. Mais si le monde horloger s’indigne, les jeunes l’adoptent. Malgré des débuts difficiles, la Offshore finira par atteindre la notoriété et à s’imposer durant les années 2000 » explique Raphaël Balestra, directeur du Patrimoine et Archives chez AP.
 
À l’instar de la Royal Oak, la Royal Oak Offshore voit le jour à la demande d’un marché. En effet, en 1989, l’agent allemand Dierk Wettengel réclame une montre forte pour marquer les années 1990, s’inspirant des courses de yachts dites « offshore ».
 
Steve Urquhart alors co-directeur général d’Audemars Piguet (qui présidera ensuite pendant des années aux destinées d’Omega) fait déposer le nom Offshore avant même que le moindre croquis ne soit réalisé.

Peu après, ce sera donc au jeune designer horloger Emmanuel Gueit (également à l’origine de la dernière refonte de la Cellini de chez Rolex) que sera confiée la mission de rajeunir l’image de la RO. Âgé de 22 ans seulement à l’époque, le genevois, qui est alors employé par la marque sous la direction de Jacqueline Dimier, décide de doper les proportions de la future Royal Oak Offshore qu’il dote d’un diamètre surdimensionné pour l’époque de 42mm !
 
Dès les premiers dessins, tous les codes esthétiques qui font aujourd’hui l’identité de la collection sont présents : une boîte de 42 mm sur 14,05 mm, un épais joint d’étanchéité visible sur le dessous de la lunette à vis, une couronne recouverte de caoutchouc coloré, des maillons et des plots arrondis…
 
Seul le chronographe, fonction sportive par excellence, manque à l’appel. Il sera ajouté plus tard, remplaçant la boussole (en référence aux bateaux certainement) initialement prévue par Emmanuel Gueit et renforçant le caractère sportif du modèle.

Cette Royal Oak Offshore devait initialement être lancée en 1992 à l’occasion du 20e anniversaire de la Royal Oak. Pourtant, au sein même de la manufacture du Brassus, les proportions démesurées du modèle ne font pas l’unanimité !
 
Mais en 1991, Steve Urquhart donne enfin son feu vert. Ceci étant, les caractéristiques hors du commun du modèle vont rendre son développement complexe, notamment au niveau de l’étanchéité de la boîte à 100 mètres –une prouesse rare pour un chronographe– et de la réalisation du bracelet dont chaque maillon courbe est satiné à la main (même s’il n’est pas le plus agréable à porter. Il ne s’ajuste pas forcément bien à certains poignets même avec le demi-maillon supplémentaire disponible en boutique).
 
C’est donc en 1993, quelques mois après l’anniversaire de la Royal Oak que le modèle Offshore 25721 provoque un raz-de-marée d’indignation dans le monde horloger. Outre ses dimensions, c’est son prix –deux fois plus élevé que celui d’une Royal Oak 14790 en acier–, qui génère de fortes réactions à la foire de Bâle.

Même Gérald Genta, créateur de l’iconique Royal Oak, est choqué et la qualifie « d’éléphant de mer », préfigurant certainement son surnom de « The Beast », la Bête ; peut-être, le grand homme était-il un peu jaloux qu’un « jeunot » ai relifté sa fameuse création ? Et qu’on ne lui ai rien demandé.
 
Mais si le monde horloger s’indigne (comme lors du lancement de la Royal Oak en 72, l’histoire se répétant), il en va tout autrement de la jeune génération de l’époque qui accueille l’Offshore avec enthousiasme, « saluant l’arrivée sur le marché d’une montre de luxe cool, jeune, sans complexe et tranchant avec les modèles portés par la génération précédente ».
 
Un modèle qui, en quelques années, va devenir aussi statutaire, voire plus même, que la fameuse Daytona de Rolex.

Prudemment, il fut décidé de ne graver que la mention Royal Oak sur le fond de boîte du modèle inaugural 25721 afin, d’après certaines sources, de préserver le nom déposé Offshore pour d’éventuelles utilisations futures (si jamais le lancement était un « ratage » complet…). Mais compte tenu de l’accueil enthousiaste de la clientèle, les modèles suivants se voient ajouter le logo Offshore. « The beast is born ! ».
 
Pour autant, le succès commercial n’est pas immédiat, la Royal Oak Offshore renouant avec la nature scandaleuse de sa grande sœur et rencontrant des retards de production. Faisant une nouvelle fois
office de figure de proue, le marché italien sera le premier à adopter le modèle, au point de connaître une pénurie en 1994…
 
En 1996, six nouveaux modèles, dont deux destinés aux femmes d’un diamètre de 30 mm, font leur apparition sur le marché, lançant véritablement la collection. En 1997, la collection multiplie les variations en intégrant le calendrier perpétuel, le double fuseau horaire et le sertissage.

Ces nouvelles références présagent le succès commercial de la Royal Oak Offshore à l’aube de la décennie 2000 qui voit la collection atteindre les plus hauts sommets. En 2000 justement, la manufacture entame une collaboration avec l’équipe de voile suisse Alinghi.
 
Trois ans plus tard, la première Royal Oak Offshore Alinghi ((modèle 25995IP, 1000 exemplaires, gros succès commercial) voit le jour pour commémorer la victoire de l’équipe lors de la Coupe de l’America, une victoire qui suscite d’autant plus d’émotions qu’elle est remportée par un petit pays (la Suisse) dépourvu… d’accès à la mer !
 
Deux autres éditions spéciales suivent en 2006 et 2007 : un chronographe féminin et une version en carbone forgé (matière inaugurée par AP qui était produite dans un petit atelier jouxtant la manufacture), célébrant la seconde victoire de l’équipe à la Coupe de l’America.

En 2008, c’est à l’équipe de voile féminine Ladycat qu’une édition limitée de 150 pièces est consacrée. Outre les sports nautiques, la Royal Oak Offshore évolue dès 2003 à l’occasion de nombreux partenariats avec plusieurs grands noms du sport automobile et notamment de la F1, tels que Juan Pablo Montoya, Ruben Barrichello, Jarno Trulli ou encore Michael Schumacher.
 
De nombreuses éditions spéciales en collaboration avec différentes courses automobiles prestigieuses voient également le jour entre 2008 et 2012, installant la collection Offshore parmi les références en termes de performances sportives.
 
Poursuivant son engagement dans le sport, Audemars Piguet lance une nouvelle série de montres de plongée dans la collection Offshore. Suite logique d’ailleurs. Tout d’abord baptisée Royal Oak Offshore Scuba, la Royal Oak Offshore Diver fait son apparition en 2005 pour prendre finalement son nom définitif en 2010.

Depuis son lancement, de nombreux modèles ont vu le jour, offrant une grande variété de cadrans colorés et de bracelets en caoutchouc assortis, ainsi que des combinaisons et des matériaux de boîte innovants, allant de l’acier au carbone forgé en passant par différents tons de céramique.
 
La première des célébrités à s’associer à la Royal Oak Offshore n’est autre qu’Arnold Schwarzenegger. Collectionneur de montres de poches, l’ancien bodybuilder devenu star du grand écran, puis gouverneur de Californie visite Le Brassus à l’automne 1997. Il est alors déjà sous le charme du modèle lancé en 1993 par Audemars Piguet.
 
Quelques mois plus tard, une rencontre à Santa Monica, cette fois, avec François-Henry Bennahmias alors jeune commercial appelé à devenir directeur général de la marque, scelle la collaboration sur une version Offshore inédite.

Ce garde-temps voit le jour en 1999 sous les traits de la Royal Oak Offshore End Of Days, modèle 25770SN, célébrant la sortie du film du même nom. Cette variation présentant une boîte en acier noirci et un bracelet en Kevlar est vendue au profit de l’association d’Arnold Schwarzenegger Inner City Games Foundation, proposant des programmes sportifs et éducatifs aux enfants défavorisés.
 
Le succès de cette première collaboration marque le début de nombreuses autres éditions limitées Royal Oak Offshore en partenariat avec l’acteur, telles que la T3 (26029) en 2003 à l’occasion de la sortie du film Terminator 3, la All Star (26158) en 2007 ou la Legacy (26378) en 2011, toujours au profit d’œuvres caritatives.
 
En 2005, Audemars  Piguet révèle sa première collaboration avec un artiste de la scène musicale : pour célébrer les dix ans de carrière de Jay-Z, la manufacture lance une Royal Oak Offshore (26005) accompagnée d’un iPod contenant la discographie de l’artiste. Cette édition limitée est la première de l’histoire à faire le lien entre hip hop et haute horlogerie, ouvrant la route à d’autres collaborations dans le monde de la musique et concrétisant des amitiés de longue date.

Elle ouvre également à la marque les portes de la street culture (la montre va devenir probablement la plus citée par les rappeurs dans leurs chansons, ce qui va également donner cette image « bling-bling » à la manufacture. Image dont elle se serait bien passée d’ailleurs) dont les représentants les plus influents ont adopté l’Offshore depuis longtemps.
 
À l’occasion des vingt ans de la collection, la manufacture révélera une nouvelle édition limitée en collaboration cette fois avec la star du basketball LeBron James. Alliant titane, or rose, céramique noire et diamants sertis, cette version limitée à 600 exemplaires (modèle 26210) confirme l’identité sportive de la collection. Outre LeBron James, d’autres stars du basketball, telles que Shaquille O’Neal s’associent à la Royal Oak Offshore.
 
Depuis 30 ans, la Royal Oak Offshore est devenue un véritable laboratoire d’innovation et de créativité horlogère au service de nouveaux matériaux, de couleurs variées et de designs novateurs. Avec tout de même de nombreux « ratages »…

Si la collection a conservé les codes esthétiques du modèle originel lancé en 1993, elle a depuis connu de nombreuses évolutions. On compte ainsi, plus de 230 variations, allant de 27 à 48 mm. L’acier d’origine a été rejoint par le titane, la céramique noire et blanche, le caoutchouc, le Kevlar, le cermet et le carbone forgé.
 
En 2001, le modèle 25940SK offre un dynamisme sans précédent à la collection en recouvrant sa lunette de caoutchouc – même lorsque celle-ci est en or –, en se dotant d’un bracelet de la même matière et en inventant un nouveau motif surdimensionné de cadran : la Méga-Tapisserie.
 
Excessive par sa taille, son joint en caoutchouc qui déborde de la lunette, ses matières ou ses couleurs, la Offshore l’est aussi par son poids. En 1993, la 25721 en acier pèse environ 220 grammes. Dès 1995, la première variation en or jaune avoisine les 400 grammes, bientôt dépassée par la variante en platine qui atteint 429 grammes. Pratiquement un demi-kilo de métal précieux au poignet !
 
Pour ses 25 ans, la marque a réédité en 2018, le modèle d’origine de la Royal Oak Offshore en acier avec cadran bleu (en photo ci-dessus) sans les fameux chiffres arabes qui la symbolisent aujourd’hui. Cette version est d’ailleurs toujours en catalogue.
 
Pour marquer le 30e anniversaire de la Royal Oak Offshore, la manufacture lance une variété de nouvelles références faisant la part belle à la céramique. Parmi celles-ci, Audemars Piguet dévoile une réinterprétation du modèle Royal Oak Offshore originel de 1993, pour la première fois entièrement conçue en céramique noire.

Qu’on l’aime ou qu’on la déteste, l’Offshore fait partie du « catalogue » des véritables « montres iconiques » contemporaines. Elle a marqué son temps. Elle a lancé la mode des « grosses montres ». Elle a insufflé un vrai souffle de modernité dans l’horlogerie de luxe avec notamment l’arrivée de la couleur.
 
Etonnamment, elle reste peu prisée des collectionneurs et son prix sur le marché de l’occasion reste dans le domaine du raisonnable (dans les 20/25.000 euros selon les versions). C’est d’ailleurs peut-être pour cela qu’il faudrait peut-être songer à l’acheter maintenant alors qu’elle reste encore accessible…

Montres-de-luxe.com | Publié le 26 Avril 2023 | Lu 7242 fois






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