Aux sources de la guayabera, la chemise cubaine par excellence


Voici une chemise qui évoque Cuba, le Buena Vista Social Club, les volutes de havanes et les daiquiri qu’Ernest Hemingway buvait accoudé au bar Floridita dans la Vieille Havane. La fameuse guayabera que portent les Cubains et plus généralement les Caribéens et les Sud-américains est idéale en cas de grosses chaleurs. Légère et fraiche, elle offre une touche d’élégance intemporelle tout en étant un vêtement authentique !


« De Alto Cedro voy para Marcané ; Luego a Cueto voy para Mayarí. El cariño que te tengo ; Yo no lo puedo negar ; Se me sale la babita ; Yo no lo puedo evitar » chantait la formation de Cubains octogénaires dans son titre Chan Chan, lors de la sortie de l’album produit par Ry Cooder en 1997, qui fut un carton planétaire.
 
Cette musique caribéenne rythmée, lancinante, teintée d’une certaine nostalgie et de la moiteur de Cuba, évoque tout un style de vie où le temps semble distendu et passer plus lentement. La chaleur étouffante des tropiques ralentit le quotidien des locaux qui, autour d’un café ou d’un "rum" accompagné d’un puros, évoquent les denrées qui font encore défaut dans les magasins de l’île, les décisions du parti communiste, les changements sociétaux avec le développement du tourisme de masse, etc.
 
Et souvent, ces Cubains (notamment les générations d’anciens) portent encore la fameuse guayabera, chemise aux origines incertaines mais dont les racines sont incontestablement populaires. Si on ne sait pas avec certitude si ce vêtement est d’origine cubaine ou philippine (deux anciennes colonies espagnoles), on sait en revanche qu’elle était portée par les « campesinos », les paysans…

Les premiers documents qui répertorient cette chemise remontent au 19ème siècle. Et selon une légende populaire cubaine, un agriculteur aurait un jour demandé à sa femme de lui confectionner une chemise fraiche et pratique, avec des poches dans lesquelles il pourrait mettre quelques outils et son nécessaire à tabac... Les habitants de son village (probablement Sancti-Spíritus situé près du fleuve Yayabo) étaient appelés les yayaberos ou guayaberos (du terme guayaba, goyave).
 
D’où le nom* de cette chemise qui serait par la suite devenue populaire autant chez la guarijos (les paysans cubains) que chez les propriétaires terriens et chez les militaires durant la guerre d’indépendance de Cuba (1895-1898) qui opposa l'armée libératrice cubaine aux forces du Royaume d'Espagne.
 
Quelques décennies plus tard, la guayabera sera adoptée non seulement par Fidel Castro et les membres de son gouvernement, mais également par Ernest Hemingway, John Wayne, Gary Cooper, Orson Welles ou encore Pablo Picasso.

D’origine modeste, elle sera finalement portée par les grands hommes du milieu du 20ème siècle. Autant à Cuba que dans les Caraïbes, mais également au Mexique, en Floride, à Hollywood et même en Espagne.
 
En France aujourd’hui, il est devenu quasi-impossible de trouver une guayabera digne de ce nom. L’une des seules solutions est de la faire réaliser sur-mesure et là encore, peu de maisons la proposent au sein de leur catalogue.
 
En réalité, à Paris, il ne reste pratiquement plus que Daniel Lévy qui présente cette pièce du vestiaire masculin réalisée par des artisans dans les règles de l’art ! Et en France. 

Cette chemise est généralement fabriquée en lin : un lin irlandais lourd (celui dont on fait les costumes, du 350 grammes) pour ceux qui souhaitent une guayabera relativement épaisse mais d’une bonne tenue ou alors, un lin plus léger (du 120 grammes) qui est plus approprié aux chaudes journées d’été, mais qui se froisse plus. Naturellement, il est toujours possible d’opter pour une popeline de coton, mais l’option lin s’avère tout de même la meilleure !
 
La guayabera peut être commandée en manches longues -avec gorges profondes et un poignet qui se ferme par large bouton- ou en manches courtes. L’amateur et fin connaisseur optera bien évidemment pour les manches longues, beaucoup plus chics que les courtes ; même si les deux versions sont présentées au Musée de la guayabera de Cuba.
 
D’ailleurs, d’une manière générale, en ce qui concerne les chemises, rappelons qu’on privilégie toujours les manches longues versus les courtes de la chemisette ! Quand il fait chaud, on les retrousse ! Point barre.

La guayabera, contrairement à ce qu’imaginent d’aucuns, n’est pas une sur-chemise et encore moins une veste, même si elle se porte par-dessus le pantalon. Elle est dotée de deux fentes latérales renforcées par une « abeille ». Sachez qu’on ne rentre jamais ô grand jamais, les pans de sa guayabera dans le pantalon ! Sacrilège (tout comme pour la chemise hawaïenne d’ailleurs).
 
Deux cols sont possibles : le col chemise ou le col plat au choix. En l’occurrence, c’est vraiment une affaire de goût. Pour autant, le col de chemise est peut-être un tantinet plus habillé que le plat…
 
Cet habit possède quatre poches plaquées** : deux en bas et deux en haut. Chacune d’entre elles arborant un petit bouton décoratif ou de parure. Au-delà des poches, l’une des grandes caractéristiques de la guayabera, ce sont ses « alforzas » (« cicatrices » en espagnol), ses plis que l’on retrouve devant (3 rangées -deux sur le côté et une le long de la boutonnière principale) et derrière, une rangée dans le milieu du dos.

Naturellement, si votre vêtement est réalisé dans les règles de l’art, ces petits plis (au nombre de cinq chez Daniel Lévy) sont réalisés à la main tous comme les boutonnières d’ailleurs. Cependant, certaines marques plus bas de gamme, n’hésitent pas, par souci d’économies, à ajouter des « bandes de plis » -ce qui revient bien évidemment à tricher pour réduire les coûts.
 
Contrairement à la chemise hawaïenne toujours riche en couleurs et/ou motifs, la guayabera est d’une sobriété confondante ! Si vous souhaitez rester dans l’authentique, sachez que cette chemise, en plus d’être réalisée en tissus unis, doit être proposée dans les tons clairs ou pastels : du blanc, de l’ivoire, de l’écru, du bleu ciel, du vert anis, du rose pâle. Eventuellement, on peut l’imaginer en kaki, en marron foncé ou en bleu marine. Mais toujours unie ! 
 
En terme de longueur, on considère qu’il faut qu’elle arrive environ à mi-fesses. Peu ou prou comme la longueur de votre veston. Pour les tarifs, c’est assez cher puisqu’il faut compter entre 950 et 1.150 euros pour une guayabera en lin sur-mesure chez Daniel Lévy, mais en plus du coût du tissu, ce vêtement requiert énormément de travail, notamment pour la réalisation des alforzas.
 
Naturellement, il reste possible de s’offrir une guayabera ailleurs qu’à Paris. Felipe, le roi d’Espagne en porte régulièrement. A ce titre, on en trouve de très convenables en prêt-à-porter (mais sans les « alforzas ») chez Camiseria Burgos (160 euros) à Madrid, une adresse réputée pour ses chemises mais également pour ce vêtement tropical que cette maison madrilène réalise en lin comme il se doit.
 
Jean-Philippe Tarot
 
*en République Dominicaine, elle s’appelle chacabana, shirt-jac à Trinidad et guayabel en Haïti.
**celle de Daniel Levy, seule « entorse » à l’authenticité, possède une 5ème poche qui se trouve à l’intérieur du vêtement.

Daniel Lévy
3, rue du Cirque
75 008 Paris
 
Sur rendez-vous du lundi au samedi de 9h30 à 18h30.
+33 (0)1 47 20 73 75
 
Camiseria Burgos
Cedaceros 2
28014 – Madrid Espagne
 
Horaires : du lundi au vendredi de 10h-19h et le samedi de 10h à 14h
+34 622 59 57 25


Montres-de-luxe.com | Publié le 15 Juin 2021 | Lu 17006 fois

À découvrir aussi :