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L'actualité des montres de luxe et des marques horlogères de prestige

Bernard Fornas, la passion pour ligne directrice


Bernard Fornas, codirecteur du groupe Richemont depuis avril 2013 et ancien patron de Cartier nous dévoile sa vision de la montre connectée et revient sur l’une de ses plus grandes passions : les automobiles classiques !



Montblanc est la première marque de luxe à proposer une montre connectée, le choix de cette marque a été fait par Richemont ou par Jérôme Lambert ?
Bernard Fornas : C’est un choix conjoint. Il a proposé cette innovation et nous l’avons acceptée. Je pense que cette marque est tout à fait adaptée à la modernité. C’est une marque très masculine particulièrement dans son temps. C’était, je pense, la bonne marque pour tester ce genre de choses. Attention, cela reste un petit élément par rapport à notre production horlogère. Dans ce cas, la montre reste indemne et garde son intégrité. C’est ce qui nous importe. Nous ne faisons pas une montre connectée, nous avons un bracelet connecté qui préserve la montre.
 
J.C-C : Est-ce que Jaeger avec son passé automobile n’aurait pas été plus à sa place pour ce projet de par sa montre Aston Martin ?
B.F. : Pour moi ce n’est pas un passé automobile. C’est un co-branding qui a été réalisé à la demande d’Aston Martin. En fait, je n’ai jamais été très favorable au co-branding. Il y a toujours un gagnant et un perdant. Si l’on possède une marque forte avec un héritage puissant, on a besoin de personne. Je pense que cela n’a pas changé la vie de Jaeger ni celle d’Aston Martin. L’une et l’autre de ces marques sont attendues sur leur histoire et leurs innovations à l’intérieur de leur métier.

J.C-C. : Pour l’instant il s’agit juste de l’association d’une montre classique avec un bracelet connecté, est-ce que l’évolution logique vers une montre intégrant tous les éléments de connections est prévue et jusqu’à quel niveau le luxe peut-il être associé à la modernité ?
B.F. : Je pense que le choix d’un bracelet connecté est une bonne solution. Il ne faut pas oublier qu’il y a aujourd’hui beaucoup d’échec en matière de montres connectées (…). Je crois que la solution d’un bracelet associé à une montre qui conserve son intégrité est la meilleure. Si tant est que ce marché se développe et qu’il y ait une demande des clients. Pour l’instant il s’agit d’un épiphénomène.
 
J.C-C. : L’hyperluxe automobile se porte très bien, Rolls affiche des résultats en progression de 12% pour 2014 avec les USA en tête devant le Moyen-Orient, l‘Europe et la Chine, l’horlogerie de luxe à l’inverse (tous groupes confondus) semble régresser, comment expliquez-vous cette contradiction ?
B.F. : C’est exact, mais nous ne partons pas du même niveau. Il y a bien longtemps que l’horlogerie est installée dans toutes ces zones et continue à croître dans le secteur de la haute horlogerie avec les grandes complications. Désormais, la richesse s’oriente vers des actifs tangibles. Cela explique cet engouement pour les automobiles anciennes ainsi que pour les voitures contemporaines de très haut de gamme.  Il y a une cohérence entre l’achat automobile et l’achat horloger.
 
J.C-C. : Un manque d’intérêt ou de goût pour les montres ne risque-t-il pas d’intervenir face au renouvellement très fréquent des collections ?
B.F. : Non je ne pense pas qu’il puisse y avoir de lassitude. Par exemple pour un homme, la montre est son seul moyen d’expression statutaire lorsqu’il n’est pas dans sa voiture, sur son bateau ou dans sa villa. Dans un lieu public, sa montre lui apporte une image de connaisseur éclairé qui aime se différencier. On est au-delà de l’intérêt de porter une montre pour avoir l’heure, entre parenthèses les téléphones portables n’ont pas tué l’horlogerie.

J.C-C. : En vente aux enchères, les automobiles anciennes atteignent des prix qui atteignent des sommets, vous qui avez une parfaite expertise en la matière qu’en pensez-vous et peut-on craindre ou espérer un effondrement de cette bulle ?
B.F. : C’est un marché qui a beaucoup changé depuis les dix dernières années. En effet, beaucoup de gens s’y sont intéressés soit pour le plaisir, soit pour l’investissement ou encore pour les deux, ce qui n’était pas le cas il y a dix ou quinze ans. A cette époque, on était entre puristes, collectionneurs amateurs et l’on achetait des véhicules qui nous plaisaient. Aujourd’hui cela a changé parce qu’au delà du plaisir pur, les gens cherchent des actifs tangibles. Il y a une idée d’investissement. Dans cet univers de la voiture ancienne où tout ce qui est rare est maintenant acheté, il y a une notion de revente car la demande est supérieure à l’offre.
 
Si l’on prend l’exemple de Ferrari, une fois que toutes les voitures rares sont sorties du marché, qu’il s’agisse des 250 GTO, des Lusso, des 250 SWB, des 250 TR, les gens qui rêvent d’une Ferrari descendent en gamme et se tournent vers une 250 GTE, une 330 GT 2+2, ou une 365 GT 2+2, ce qui contribue à faire monter les prix. Ensuite lorsque les prix de ces voitures sont arrivés à un niveau maximum pour une certaine clientèle, celle-ci se rabat sur la tranche inférieure, les 308 GTB, GTS, ou les 328 qui sont un peu les dernières Ferrari intéressantes.
 
J.C-C. : Quid des Mondiale et des 400 ?
B.F. : Si la Mondiale cabriolet est un peu montée, elle semble avoir atteint ses limites. Mais ce qui s’est passé chez Ferrari, se retrouve dans d’autres marques, où les gens qui en avaient les moyens ont acheté les pièces rares. Les amateurs moins aisés vont alors vers des modèles inférieurs qui en répercussion montent en valeur. En revanche, pour que ces produits deviennent chers, ils doivent être épuisés sur le marché, voilà pourquoi on trouve des Ferrari 400 à des prix abordables. Et il y en a encore beaucoup de disponibles. Le jour où elles seront épuisées, le prix montera.

C’est ce qui s’est passé avec la 512 BB, il y a trois ans, elles se vendaient difficilement à 100 000 €, aujourd’hui une très belle BB carburateur se trouve à 350 000 euros. Il y en a eu 1000, ce qui est beaucoup pour une Ferrari à l’époque. Aujourd’hui compte tenu de l’engouement pour les anciennes, 1000 devient un nombre peu élevé. Si vous comptez les trois cents 365 BB sur lesquels presque la moitié a été détruite par accident ou autre, il reste 180 personnes dans le monde qui peuvent acheter une 365 BB et ce n’est pas beaucoup. N’oublions pas les chinois qui s’intéressent de plus en plus à l’automobile ancienne bien que pour l’instant ils n’aient pas le droit de les conduire en Chine. Mais cela va bientôt arriver. Là, les prix monteront encore.

J.C-C. : Au-delà de quelques modèles de références peut-on encore se faire plaisir avec des modèles presque raisonnables ?
B.F. : Une petite Fiat Dino Spyder  2.4 L est un bonheur à conduire. Certes c’est une Fiat qui coûte quand même 100 000 € et cela fait beaucoup d’argent, mais il y a un moteur Ferrari qui donne beaucoup de plaisir. Vous avez aussi des petits spyder Alfa Romeo, il y a plein de choses pour se faire plaisir. Chez les anglais, on trouve des TR3, des Austin Healey qui sont sympa à conduire.
 
J.C-C. : Selon vous passer par un acheteur spécialisé apporte-t-il une meilleure garantie ?
B.F. : Tout marché en ébullition crée des excès, on peut voir arriver une certaine malhonnêteté, il faut faire attention et pourquoi pas se faire conseiller par un professionnel reconnu qui a pignon sur rue lorsque l’on est un acheteur débutant. Il ne faut pas oublier qu’après l’achat il faut entretenir. C’est là que commencent les ennuis. Le néophyte ne doit pas ruiner un plaisir sympa par des pannes multiples quotidiennes et répétées. Une voiture saine et bien restaurée sera fiable, à condition qu’elle tourne régulièrement 50 kilomètres une fois par mois. Il faut se faire conseiller absolument lors de l’achat et surtout se faire accompagner par la personne qui fera l’entretien.
 
Propos recueillis par Joël Chassaing-Cuvillier 

Montres-de-luxe.com | Publié le 28 Octobre 2015 | Lu 1932 fois






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