Charvet, l'ultime lieu de l'élégance française


Ultime temple de l’élégance française, la maison Charvet est sans doute l’une des dernières marques familiales à ne pas avoir subi les affres d’un rachat par un groupe international. Si l’adresse est prestigieuse, l’ostentation est absente lorsque l’on pénètre dans la boutique de la place Vendôme. Charvet ou la sensation d’intégrer un club privé.


Pour cette maison qui, depuis sa création en 1838 n’a connu que deux familles de propriétaires, la discrétion semble être une devise. Mais surtout, c’est la gentillesse du personnel qui vous reçoit dans la boutique que l’on ressent en priorité.
 
Il y a tant de maisons connues où la condescendance envers le client semble être la règle. Dans cet espace du rez-de-chaussée, les accessoires sont présentés comme les couleurs d’une palette de peintre. Les cravates, les nœuds papillons, les boutons de manchettes tressés, les ceintures en élastique, tout est prétexte à une mise en page colorée.
 
Mais très vite, nous passons aux choses sérieuses en montant dans les étages supérieurs… Cela, en compagnie d’Anne-Marie Colban qui, avec son frère dirige cette belle maison.

Dans un premier temps nous sautons l’étage du prêt-à-porter pour aller directement à celui de la mesure au deuxième étage. En sortant de l’ascenseur, le choc est immédiat. On tombe directement dans une vaste salle où sont rassemblés plus de 6.000 tissus différents.
 
Le centre de cette immense pièce est un véritable labyrinthe délimité par des coupons multicolores. Bien entendu, les murs sont également une véritable bibliothèque de tissus. L’un deux est consacré aux tissus blancs : plus de quatre cents nuances de blancs sont ainsi proposées.
 
Le jeu des lumières de ce mur des blancs est accentué par les différents tissus  disponibles : popeline, lin, twill, oxford, piqué, baptiste Island ;  le tissage est également l’un des facteurs influents sur ce vaste nuancier. La difficulté de choisir prend ici toute sa dimension. L’on a à peine sélectionné un tissu que l’œil est aussitôt attiré par le choix des bleus ou des rayures, tout est alors à refaire.

Il est temps alors de rejoindre le petit salon attenant qui est destiné à la prise de mesure. Dans cette pièce plus intime, les murs affichent les différents cols proposés par Charvet dans ce que nos amis britanniques appellent le « bespoke ». A noter également la variété de poignets disponibles, quinze au total sont ainsi offerts au choix.
 
C’est dans ce petit salon que commence la véritable naissance de votre chemise sur-mesure. Sur une fiche manuelle aussi complète que complexe, sont notées toutes les dimensions qui serviront dans un premier temps à réaliser un patron en papier.
 
A partir de ce patron, la « toile » est fabriquée dans un coton blanc, c’est cette « toile » qui servira aux essayages. Il faudra ensuite choisir entre la quarantaine de cols. Mais dans ce cas, votre morphologie sera l’un des facteurs clé et il conviendra de faire confiance dans les propositions de votre chemisier qui saura vous conseiller en fonction de votre morphologie.

A titre d’exemple, la position du premier bouton sera plus ou moins haute selon que vous portez votre chemise col ouvert plus souvent qu’avec une cravate. Comme le souligne Anne-Marie Colban : «  Charvet sait s’adapter aux tendances modernes et au rajeunissement de sa clientèle, avec notamment des chemises plus près du corps ».
 
Toujours guidé par Anne-Marie Colban, nous passons par le troisième étage où nous découvrons une autre facette des activités de la maison Charvet. Une véritable découverte, en effet, car le département de sur-mesure de costumes masculins n’est absolument pas mis en avant.
 
Une pièce chaleureuse aux murs de boiserie, des coupons de tissus où l’on trouve les plus beaux draps en provenance d’Angleterre comme Holland & Sherry ou d’Italie comme Vitale Barberis. Ici, en toute discrétion, on coupera un costume qui corresponde à votre image et dans les meilleures traditions des grands tailleurs parisiens. Il faut savoir qu’une veste coupée en « bespoke » est comme une seconde peau, un moment qu’il faut connaître dans sa vie. 

Mais reprenons notre visite de cette belle maison en direction de l’étage consacré au prêt-à-porter. Si la chemise Charvet tient ici la vedette avec là encore, une immense variété de tissus, de cols et de poignets, les hommes raffinés trouveront des caleçons, des pyjamas, des robes de chambre et aussi un très joli choix de caleçons de bain qui seront parfaits à la piscine de l’Eden Roc d’Antibes. Un véritable paradis au masculin où l’on trouvera également un choix de pullover rarement vu.
 
Nous sommes vraiment ici dans le temple de l’élégance. Une adresse connue du monde entier. Pousser la porte d’entrée du 28 de la place Vendôme revient à pénétrer dans un club privé, au fur et à mesure que l’on monte dans les étages l’on se sent un privilégié.

Surtout lorsque l’on a pour guide la délicieuse Anne-Marie Colban qui connaît parfaitement sa maison. Le luxe n’a pas d’âge.
 
Joël Chassaing-Cuvillier.

La chemise sur-mesure

Une chemise sur-mesure ne se résume pas à la somme des vingt mesures nécessaires à la confection du patronage.

La chemise est aussi personnalisée en fonction des habitudes du client. Un col ouvert demandera un premier bouton placé à une hauteur différente, quelqu’un qui porte sa chemise sur le pantalon aura une longueur de pan différente. Une tendance que l’on rencontre de plus en plus fréquemment.

Anne-Marie Colban souligne également un certain retour vers les cols à pointes longues. Selon que l’on a sa montre à gauche ou à droite, le poignet sera différent. A noter que les chemises en prêt à porter disposent d’un poignet gauche légèrement surdimensionné. Un détail utile pour les porteurs de montres hypertrophiées.

En résumé, outre les chemises en « mesure complète », Charvet propose également la « demi-mesure » sans toile d’essayage, ainsi que les chemises en commande spéciale. Il s’agit d’un modèle en prêt à porter auquel on adapte des cols ou des poignets personnalisés.  J.C-C

Un peu d'histoire

Charvet Place Vendôme, telle est la véritable dénomination du célèbre chemisier français. La maison a été fondée en 1838  par Joseph-Christophe Charvet dont le père était le « conservateur » de la garde robe de Napoléon 1er.

C’est lui qui inventa la « chemise » à col attenant et dont la forme comportait des emmanchures et une encolure alors qu’auparavant  la chemise était juste un « sac » rectangulaire cousu par une chemisière.

En adoptant les techniques du tailleur, Joseph-Cristophe Charvet créé alors la chemise contemporaine.

Dans un premier temps, la maison Charvet s’installe au 103 de la rue de Richelieu avant de migrer vers le 93 de cette même rue. Ce n’est qu’en 1877 que le chemisier s’installe au 25 de la Place Vendôme. Nouveau déménagement en 1921 vers le 8 de la place pour enfin trouver son adresse définitive du 28 de la place en 1982. Cela en fait le négociant le plus ancien de la place Vendôme.

Rappelons qu’en 1869, la maison Charvet bénéficia d’un Royal Warrant en tant que fournisseur du Prince de Galles, le futur Edouard VII qui fut longtemps considéré comme le Prince des élégances.

​Rois, ducs, artistes, écrivains furent et sont toujours les clients de la maison Charvet qui pendant une période fut fournisseur exclusif du Jockey Club.

Cette renommée se justifiait par la magnificence que Charvet affichait en faisant réaliser le  décor de ses vitrines par des peintres célèbres comme André Derain ou Maurice de Vlaminck. Le succès mondial du chemisier perdura ainsi jusque dans les années 60.

A cette époque, 1965 plus précisément, les héritiers Charvet étaient en négociation pour la revente de la maison avec un acheteur américain. Un projet qui déplut profondément au Général de Gaulle client de la maison.

Le ministère de l’industrie intervint alors auprès de Denis Colban, le principal fournisseur de tissus de Charvet afin qu’il recherche un investisseur français. Denis Colban décida alors d’acquérir la société. Des changements importants et notamment l’arrivée dans les collections de la couleur et des rayures signent la période de Denis Colban qui dura trente ans.

En 1994 à son décès, ses enfants Anne-Marie et Jean-Claude Colban en reprennent la direction conjointe avec le succès que l’on connait.  J.C-C

Charvet présent dans le monde
Si la maison Charvet ne possède qu’une seule boutique en propre, l’esprit Charvet est présent dans le monde entier. Aux Etats-Unis chez Neiman-Marcus et Bergdof Goodman, en Angleterre chez Harrods pour les femmes et chez Mr Porter et au Japon chez Mitsukoshi. J.C-C



Montres-de-luxe.com | Publié le 9 Juin 2022 | Lu 9467 fois

À découvrir aussi :