Drouot : plus d'un million d'euros pour la collection Jean-Claude Sabrier


Dans le cadre du calendrier international des ventes aux enchères d’horlogerie, la maison de ventes Chayette & Cheval a dispersé le 5 mai dernier l’exceptionnelle collection de Jean-Claude Sabrier (1938-2014) pour plus d’un million d’euros. Détails.


Pendant plus de trente ans, Jean-Claude Sabrier fut une personnalité marquante du milieu horloger. Spécialiste de l’horlogerie de précision, il mit en lumière les travaux et les découvertes de nombreux maîtres du XVIIIe siècle. Très attendue, cette vente a réuni collectionneurs français mais également internationaux pour plus d’un million d’euros. Pour les plus passionnés, la suite de la collection sera dispersée le 15 juin prochain, avec notamment un bel ensemble de manuscrits.
 
En attendant, petit retour sur quelques-unes des pièces d’exception qui ont suscité l’enthousiasme et déclenché les achats sur les férus d’horlogerie :
- une montre en or à tourbillon avec thermomètre a remporté la plus haute enchère à 73.160 euros, multipliant par six son estimation basse. Réalisée vers 1820, elle est attribuable à Houriet ou à Favre-Bulle. (Lot n° 65).

- un chronomètre de marine à double seconde signé « Breguet et fils Horlogers de la Marine », a également bénéficié d’un joli coup de marteau à 66.960 euros, quadruplant son estimation basse. Il fut vendu à l’origine à Barillon et Cie (Le Havre) le 24 mars 1818, rentré et envoyé à Schumacher le 31 décembre 1819 pour 3.000 francs. (Lot n° 181).

- une montre à calendrier en ors de deux couleurs avec secondes au centre et un échappement à repos de type Debaufre signée « D(anie)l Droz à Paris », a suscité l’intérêt des collectionneurs pour être finalement adjugée 55.800 euros, triplant son estimation. Il s’agit d’une montre d'exécution très soignée réalisée par un horloger peu connu au début du XVIIIe siècle. (Lot n° 25).

- une montre de carrosse à sonnerie au passage et à la demande des « heures aux quarts » ou les « heures simples » et à réveil de Pierre III LE ROY (1717-1785), datant de 1760-61, a été adjugée 39.680 euros. Pierre III Le Roy est le fils et successeur de Julien Le Roy et horloger du Roi par succession à partir de 1759. (Lot n° 22).

- une horloge à poids à sonnerie au passage et à réveil, portant les initiales « A. G. », et datant de la fin du XVIe siècle, a été adjugée 37.200 euros, doublant son estimation basse. Il s’agit d’un rare exemple d’horloge à poids française du XVIe siècle. Boîtier en laiton doré entièrement gravé de feuillages, mascarons, têtes grotesques, paysages et du signe IHS au dos. (Lot n° 13).

- une montre émaillée avec échappement à double roue de rencontre, signée « Julien Le Roy à Paris », vers 1753, a été adjugée 34.720 euros, quadruplant son estimation. Le boîtier en or ciselé de spirales contient des plaques d'émail polychrome de fleurs et la lunette est émaillée. (Lot n° 16).

Jean-Claude Sabrier par Catherine Cardinal, professeur des universités

« Pour lui, l’horlogerie fut une passion qui se révéla de plus en plus obsédante au point qu’il en fit son métier. (…) Son entrée dans ce domaine, officialisée par son titre d’expert près la Cour d’appel de Paris, fut marquée, dès novembre 1980, par l’organisation de ventes spécialisées à l’hôtel Drouot, sous la houlette d’Hervé Chayette, puis par un guide-argus paru en 1982, conçu comme un manuel à l’usage des collectionneurs et, la même année, par une exposition sur La montre de la Renaissance à l’Art déco au musée de Saint-Omer. Déjà, il laissait deviner que son intérêt dépassait largement l’expertise commerciale et que sa vocation allait s’épanouir souvent hors des salles de ventes.
 
Il porta une attention particulière aux collections d’horlogerie méconnues des musées et collabora avec leurs conservateurs pour les mettre en valeur. C’est le cas, par exemple, au musée des Arts et Métiers où il révéla sa compétence et son amour pour les instruments à mesurer le temps dont il savait voir les trésors d’ingéniosité cachés ; sans lui, le caractère exceptionnel de la montre des frères Goyffon, perdue au fond d’une boîte dans les réserves, aurait-il été reconnu ? (…)
 
À la fascination qu’il éprouvait envers les mécanismes compliqués s’ajoutait un attrait profond pour l’histoire. Ainsi privilégiant à la fois l’examen des oeuvres et la recherche dans les archives, comme celles de l’Académie des Sciences ou celles laissées par les horlogers, il mena des enquêtes exemplaires aboutissant à de nombreuses publications. En 1997, le Musée international d’horlogerie récompensa ce travail par le prix Gaïa.
 
Dans le panthéon des horlogers de Jean-Claude Sabrier, Abraham-Louis Breguet détenait une position enviable dont témoignent de multiples études. Auprès de lui, se trouvait Louis Berthoud auquel il vouait une vive admiration, sentiment concrétisé par un « monument de recherches » couronné par l’Académie de Marine en 1994. Il faut encore citer Frédéric Houriet qu’il permit de redécouvrir par une monographie magistrale en 2006. Une figure occupait la place la plus haute, Pierre Le Roy, qu’il considérait comme le fondateur de la chronométrie moderne et qu’il rêvait de mettre en scène dans un roman biographique.
 
Sa carrière internationale d’expert et de consultant l’amena à fréquenter les grands collectionneurs d’Europe, des Etats-Unis, de Chine, du Japon. Elle se développa en trois phases principales. La première eut pour cadre l’étude Chayette, à Paris, entre 1980 et 1988, la seconde se déroula au sein de la maison de ventes genevoise Antiquorum, de 1988 à 2000. (…) Les dernières années de son activité professionnelle furent en lien avec le Swatch Group. Son rôle de consultant en charge du patrimoine lui permit de contribuer à enrichir les musées du groupe et de mettre à l’honneur Breguet dans une exposition (2004). (…)
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Montres-de-luxe.com | Publié le Lundi 11 Mai 2015 | Lu 1474 fois

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