Hermès : la montre Carré H, une montre… carrée certes, mais pas totalement !


Comme les aiguilles d’une montre, les idées se croisent, se frôlent et se dépassent. Celles de Marc Berthier, designer architecte, et de Pierre-Alexis Dumas, directeur artistique général d’Hermès, se sont tout simplement trouvées. Ces amoureux des belles choses ont uni leurs passions et leurs savoir-faire. De leur rencontre, de leur esprit créatif… au carré, est né un objet rare, fruit d’une véritable alchimie. La montre Carré H d’Hermès.


Comment naît une montre comme la Carré H, qui semble ne répondre à aucun critère horloger du moment ?

Marc Berthier : Il y a quelques années, Jean-Louis Dumas, alors à la tête d’Hermès, m’avait demandé de réfléchir à « ce que pourrait être un garde-temps Hermès pour un dandy voyageur ».

À l’époque, la tendance était au grossissement des montres. Je lui ai soumis quelques esquisses, très structurées, mais dénuées de toute ostentation.

Pierre-Alexis Dumas : Ce projet est alors resté en jachère.

Il y a quatre ans, en consultant le dossier de Marc Berthier, j’ai bondi sur son dessin de format carré. Le carré, c’est une forme géométrique simple, mais difficile, que sa parfaite harmonie peut vite rendre ennuyeuse.

Le carré –même s’il est très présent dans d’autres métiers Hermès, comme celui de la soie–, n’est pas très répandu en horlogerie. J’ai rencontré Marc Berthier. J’étais à la fois curieux et intimidé.

Vous avez ainsi mis en commun vos compétences et entamé une première collaboration...

P-A.D. : À deux, et même à trois, avec Philippe Delhotal, directeur artistique de La Montre Hermès, devenu notre complice au fil du temps. Au sein des ateliers d’horlogerie à Bienne, en Suisse, il a porté ce projet atypique. Un tel projet de carré affirmé avec une grande ouverture de cadran dérangeait un peu nos habitudes.

En quoi la Carré H est-elle si différente ?

P-A.D. : Cette montre carrée ne l’est pas totalement.

M.B. : Elle a des angles ronds, c’est une cuvette élégante. Le verre supérieur de la montre est courbe et, en dessous, le cadran est incurvé vers le bas. C’est souvent le cas avec les montres rondes, mais carrées…

P-A.D. : Elle est souple, précise et anthropomorphique. La contre-courbe sur le poignet la rend légère à porter, élimine toute raideur. Voilà du classique contemporain. Renzo Piano m’a dit un jour : « Ce qui est difforme n’est pas laid mais d’une forme différente. » La difformité en design consiste à pousser le champ d’exploration plus loin.

M.B. : La Carré H est d’un design très actuel. Je l’ai dessinée avant les objets nomades d’aujourd’hui, téléphones portables, ordinateurs, dont les coques et les boîtiers, hier aux arêtes franches, ont maintenant les angles adoucis.


En revanche les index sont très nets.

M.B. : Ce sont des bâtons. Tout est dans l’équilibre. La montre est épurée. Les aiguilles ont la même largeur que les barrettes des index, elles s’alignent exactement dans leur prolongement. Tout est fait au dixième de millimètre. Pour atteindre cette perfection, il a fallu refaire la composition sur le carré mille fois.

P-A.D. : Cette montre est née de l’amour de la géométrie. Mon grand-père, Robert Dumas, était ambidextre et dessinait sans cesse. Je viens de retrouver un croquis où il expose les bonnes manières de tracer des ovales. La géométrie, c’est la structure sous-jacente d’une forme. La beauté en découle.

M.B. : Le carré comme le cercle sont des formes de la géométrie pure. Pour composer sur ces formes, il faut être à la recherche de l’harmonie dans la pureté et de la perfection dans le détail.

P-A.D. : Ce qui est beau, c’est justement l’imbrication des carrés dans le carré. Il est dynamique et il révèle une diagonale : petit cadran des secondes, moyen cadran des aiguilles, grand cadran avec les index. Même un rond est plus stable. Pour cela, on ne se lassera pas du dessin de cette montre, car il est plein de subtilités.

M.B. : C’est une véritable montre d’architecte.

Comment avez-vous défini sa taille ?

M.B. : Selon plusieurs critères. D’abord, nous voulions pouvoir, un jour, en déduire un modèle féminin plus petit. Et puis 36,5 mm de côté pour une montre d’homme, cela permet de loger dans le boîtier un mécanisme de grande qualité.

Justement, pourriez-vous nous parler du mécanisme logé dans la montre ?

P-A.D. : Le mouvement GP 3200 est fabriqué par Sowind, une manufacture suisse réputée de l’arc jurassien. Il s’agit d’un mouvement mécanique à remontage automatique de grande précision. Sur la base de l’attraction terrestre, une masse oscillante transmet de l’énergie au ressort du barillet. L’ensemble des éléments se fixe à une platine de base entièrement perlée. La masse oscillante ainsi que les ponts aux angles polis à la main sont décorés d’un semis de H. Le montage de la montre s’effectuant par-dessous, un premier cadran est fixé sous la glace, il porte les index des heures. En son centre vient se fixer le mouvement composé du cadran central et des aiguilles. Il est habillé d’un décor de fines lignes guillochées en creux.

M.B. : Vue de dessus, la Carré H est une montre élégante, très épurée, qui n’affiche pas sa technologie. Retournez-la. Vue de dessous, elle révèle son mécanisme au travers d’un fond saphir clair comme le cristal et solide comme l’acier. C’est toute la subtilité, à l’image d’un manteau Hermès, dont l’intérieur des poches est en agneau.

Pourquoi avoir choisi de la fabriquer en titane ?

P-A.D. : Parce que c’est un matériau léger et très résistant. Son traitement « microbillé » lui confère une douceur, une sensualité discrète. Sur la partie haute du boîtier, la tranche est polie, astiquée. Il en jaillit un trait de lumière qui rappelle la tranche des cuirs astiquée à la cire chez Hermès, et qui reflète la lumière. Ici, se lit le lien entre le traitement du métal et du cuir. C’est notre signature.

M.B. : C’est la première fois que j’entends cela, et ça me plaît beaucoup !

Et d’où provient sa teinte ?

M.B. : Elle est naturelle. Le microbillage du titane lui donne un ton gris chaud. J’avais dessiné la montre en titane noir. Cette teinte anthracite est une proposition d’Hermès et c’est très intéressant.

Et le bracelet ?

P-A.D. : Il est en veau Barénia noir, un cuir au toucher velouté un peu gras, qui se patine magnifiquement. Piqué sellier, il est droit, ne part pas en fuseau, ne se rétrécit pas. La boucle à ardillon est en titane. Enfin, pour fixer le bracelet à la montre, nous avons dessiné des anses plutôt que des cornes.
M.B. : Selon le langage de l’étrier particulier à Hermès.

Pourquoi Carré H ?

P-A.D. : Chez Hermès, tous les objets portent un nom. Et comme tous les noms qui paraissent évidents, il a fallu le chercher longtemps. Puis le carré s’est imposé, car le carré, c’est Hermès par excellence.

La Carré H est-elle une série limitée ?

P-A.D. : Oui, il n’en existe que 173 exemplaires. Un par année d’existence de la maison Hermès, fondée en 1837

Spécificités techniques de la montre Carré H d'Hermès

Mouvement : Manufacture GP 3200 Sowind
Mécanique à remontage automatique
23,9 mm de diamètre (10 ½ lignes)
4,2 mm d’épaisseur
28 800 alternances par heure
44 heures de réserve de marche
32 rubis
Masse oscillante et ponts décorés d’un semis de H

Fonctions : heures, minutes, secondes

Boitier en titane microbillé avec dessus de carrure poli
Taille : 36,5 x 36,5 mm
Couronne en titane poli

Étanche jusqu’à 30 mètres

Glace saphir sur la carrure et le fond

Cadran anthracite

Bracelet en veau Barénia noir
Boucle ardillon en titane microbillé

La montre Carré H est éditée en série limitée de 173 exemplaires numérotés (173 comme le nombre d’années qui se sont écoulées depuis la fondation d’Hermès, en 1837).

Montres-de-luxe.com | Publié le 30 Juin 2010 | Lu 14996 fois

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