La Chelsea boots : la bottine casual-chic par excellence


La Chelsea boots, aux origines victoriennes, est un incontournable du vestiaire masculin. Notamment depuis les années 60, lorsqu’elle fut popularisée par Paul McCartney, John Lennon ou John Steed dans Chapeau melon et bottes de cuir. Elle était alors portée avec un pantalon « cigarette ». Depuis, ces bottines font partie des grands classiques d’Aubercy à Weston en passant par John Lobb et Crockett & Jones.


Si la Chelsea boots prend ses racines à l’époque victorienne, on trouve déjà un exemple de bottine similaire en France dans les années 1810. Mais à l’époque, à la place de l’élastique, le bottier plaçait un bord côte.
 
Pour autant, il semblerait que le tout premier modèle « moderne » ait été créé par le boitier de la reine Victoria (1819-1901), Joseph Sparkes-Hall, au milieu du 19ème siècle. L’idée étant de proposer -suite à l’invention du caoutchouc vulcanisé par Thomas Hancock-, une bottine de « paddock » facile à enfiler grâce à la présence, non plus de bord côte, mais de deux élastiques latéraux.  
 
Rapidement, ce soulier gagne ses lettres de noblesse en étant adopté par les militaires britanniques, notamment par les cavaliers de l’armée, puis par les civils, qui la portaient comme bottine d’entrainement associée -ou pas- à des chaps, plus confortables et plus souples que les bottes d’équitation. 

Quant à sa dénomination, Chelsea, il semblerait qu’elle soit due au succès de ce quartier londonien très en vogue dans les années 60 et qui fut, en quelque sorte, le pendant anglais du fameux Greenwich Village américain. C’est là que se retrouvaient les peintres, les photographes, les écrivains, les acteurs et les chanteurs dont beaucoup avaient adopté cette bottine.
 
Dès 1961 (date de la première Chelsea boots chez Crockett & Jones), elles apparaissent aux pieds de John Steed -Patrick McNee- qui les portait en daim associées à ses costumes sur-mesure aux pantalons « cigarette » de chez Pierre Cardin dans la fameuse série télévisée « Chapeau melon et bottes de cuir ».
 
On la verra également aux pieds des Beatles, notamment de Paul McCartney et John Lennon qui s’en offrirent plusieurs paires (avec un talon de type « cubain », plus haut et plus biseauté, s’inspirant des bottes flamenco) chez le bottier londonien Anello et Davide. Elles seront d’ailleurs baptisées, fort logiquement, « Beatles Boots ».
 
Depuis, et au même titre que la Jodhpur, cette bottine fait partie des grands classiques du vestiaire masculin, d’Aubercy à J.M. Weston en passant par John Lobb, Edward Green, Crockett & Jones, Heschung, Church’s, etc. Il en existe différents types dans une très large gamme de prix…  

La Chelsea boots est plus ou moins fine, son bout est plus ou moins rond, elle est habillée ou sportive selon le cuir utilisé et la semelle choisie (cuir, gomme, crêpe), mais elle comporte toujours deux élastiques latéraux verticaux et, selon les marques, une ou deux petites languettes à l’avant et à l’arrière de la partie supérieure de la tige qui permettent de les enfiler plus facilement. Voilà pour les grandes lignes.
 
Ensuite, les Chelsea boots « haut de gamme », celles plébiscitées par les puristes, offrent une caractéristique qui les rend assez uniques : elles sont en effet réalisées en une seule levée de peau (en « one cut »). Pour les identifier à coup sûr, c’est assez simple : il suffit de vérifier la présence ou l’absence de coutures verticales sous les deux élastiques latéraux. Sans couture, c’est à coup sûr du « one cut ».  
 
C’est clairement un signe distinctif et une preuve incontestable de bien facture ; d’ailleurs, très peu de marques proposent des Chelsea boots « sans couture » à part Aubercy, J.M. Weston et Yohei Fukuda, en commande spéciale uniquement pour le Japonais ; liste non exhaustive, mais soyez certains qu’il y en a très peu. De fait, même des grands noms de la chaussure comme John Lobb, Edward Green ou Church’s ne s’y risquent pas.

​Le Cambre de chez Weston : la mémoire dans la peau

Sous l’apparente simplicité de ses courbes, ce modèle dissimule un savoir-faire particulier et rare : le cambrage sur forme. Dans une seule pièce de cuir (une seule « levée »), la bottine est coupée, montée et mise en forme.
 
Il faut tout d’abord que l’artisan choisisse bien la peau et l’endroit de la levée (de la coupe). Pour le Cambre, peut-être encore plus que pour les autres modèles de la manufacture, il faut que la peau présente zéro défaut ! Elle doit être absolument parfaite car la superficie de cuir utilisé est importante.
 
Autre problématique, la coupe doit être effectuée dans le sens de la fibre de collagène avec une orientation particulière par rapport à la colonne vertébrale de l’animal -que l’on distingue sur la peau entière par une marque longiligne et traversante légèrement plus sombre.
 
Le secret du Cambre est d’utiliser le « prêtant » du cuir ; il s’agit de la faculté qu’a cette matière de garder en mémoire la force de sa « contrainte ». Pour ce faire, après la levée du cuir (les deux levées toujours dans la même peausserie pour que les chaussures soient parfaitement appairées), on trempe la peau 24h dans un bain d’eau tiède. On parle alors de la « mise en humeur » du cuir.
 
Ensuite, on plie la levée (qui constituera la tige de la boots) et on la place sur une forme qui va lui donner la cambrure qu’elle conservera à vie ; on peut encore voir ce fameux pli sur d’anciennes paires qui ont 40 ans d’âge !
 
Puis l’artisan, positionne la peau sur la forme en bois à l’aide d’une pince, la plaque en tirant au maximum et la cloue dans une partie du cuir qui sera ensuite « rafraichie » -c’est-à-dire coupée- car elle ne sert qu’au montage sur forme. Pour figer la peau dans sa cambrure définitive ; pour fixer les fibres de collagène qui étaient en « humeur », on place la forme recouverte de la levée dans une étuve pendant 24h.
 
Naturellement, toutes ces étapes qui semblent relativement simples, s’avèrent beaucoup plus complexes dans la pratique. Il faut toute l’expérience de l’artisan pour choisir les bonnes températures de l’eau et celles de l’étude qui doivent être adaptées à chaque levée de peau.
 
Une fois ces opérations dument réalisées, la paire part à la piqûre : on coud les élastiques (noirs ou marrons) puis la peau cambrée (la tige) est cousue à l’arrière. L’ensemble est complété par une barrette de cuir qui cache et renforce la couture du dessous. La bottine est alors prête à recevoir ses semelles…
 
Pour rappel, et fort logiquement, le Cambre est le modèle de chez Weston qui requiert l’empeigne de cuir la plus grande. On vous laisse imaginer la peausserie nécessaire pour une paire en alligator sachant qu’il faut une peau par pied !

L’Upavon de Bowen (415 euros)
L’Upavon est une Chelsea boots proposée en veau lisse noir ou marron sur simple semelle cuir cousue Blake. Une ligne pure pour une coupe traditionnelle qui offre un bon compromis dans l’entrée de gamme, comme souvent chez Bowen d’ailleurs. Une languette à l’arrière. Existe en modèle femme.

La Chelsea V de Crockett & Jones (490 euros)
Il existe plusieurs modèle de Chelsea chez C&J. Ce dernier, très « country-side », appartient à la collection Main Line et est fabriqué sur la forme 335 à bout rond et large en cuir gras ou en veau velours. Il se porte sur une semelle en caoutchouc (Dainite) et dispose d’une languette à l’arrière pour faciliter l’enfilage. A noter qu’il existe d’autres références de Chelsea chez C&J qui reste l’un des grands spécialistes de cette bottine si britannique.

La Tremble de Heschung (495 euros)
Les Boots Tremble sont plus « sportives », plus « casual ». Idéales pour les jours de froid et de pluie. Elles sont proposées en cuir Hydrovelours ou Anicalf sur la forme « Nation » profilée avec un chaussant légèrement ajusté ou sur forme « Odéon » plus ronde avec plus d’aisance. En cousu Goodyear ou Norvégien sur semelle en gomme. On remarque deux points d’arrêts placés sous la couture latérale, au-dessous de l’élastique.

L’Amberley de Church’s (690 euros)
Fabriquée sur la forme 173 classique, cette bottine à bout rond en veau affiche la forme typique des modèles Church's. Sa semelle en caoutchouc à losanges (en Goodyear) offre une adhérence accrue lors des balades en ville. Elle est dotée d’une languette en coton à l’arrière. Fabriquée à Northampton, en Angleterre.

​Le Cambre 705 de chez J.M. Weston (910 euros)
Chez Weston, la Chelsea se nomme Cambre en référence à la technique nécessaire (voir encadré ci-dessus) à la réalisation de ce modèle emblématique de la maison limougeaude né en 1969 ; elle est disponible en catalogue en noir ou bergeronnette avec des déclinaisons occasionnelles en bordeaux et terre d’ombre. Cette réf. 705 est constituée d’une tige cousue d’une seule pièce de cuir cambrée à la main sur forme en bois par les artisans de la maison. Semelle en cousu Goodyear et deux languettes pour faciliter l’enfilage de la bottine. Existe en modèle femme.

La Matt de chez Aubercy (1,350 euros)
Voici donc, avec le modèle Weston, l’une des rares Chelsea Boots sur le marché qui soit fabriquée sans couture. Cette cavalière de la maison Aubercy, baptisée Matt, est elle aussi cambrée à la main. En veau, elle est montée sur la célèbre forme serre d’aigle A7. Elle arbore des demi-lisses rondes et est proposée sur montage Blake ou Goodyear main comme toujours chez Aubercy. Elle requiert 390 opérations.
 
A noter qu’il existe également chez Aubercy, une version basse également en « one cut » qui porte le nom de Cary Grant, un grand amateur de ce modèle. Pour un côté encore plus dandy, on glacera le bout et les contreforts extérieurs.

La Newmarket d’Edward Green (1.400 euros environ)
Sur forme 82 avec bout en « amande », cette bottine est proposée en veau velours marron clair. Elle est un peu dans le même esprit que le modèle Lobb, mais dans une version moins fine, donc un peu plus « casual ». Un aspect « country » renforcé, bien évidemment, par sa semelle gomme. Existe également en version femme en box noir.

La Bella de chez Corthay (1.420 euros)
La Bella est une bottine qui emprunte son nom à la tante de Pierre Corthay, Bella, qui avec ses grands-parents, éleva le futur bottier jusqu’à son entrée au sein des Compagnons du Devoir. Cette Chelsea relativement basse est réalisée en box noir et produite en France dans la manufacture Corthay de Beaupréau-en-Mauges (Maine et Loire). Disponible en forme Sèvres et Pullman sur semelle en cuir en cousu Goodyear. A noter l’emblématique passepoil rouge spécifique à la marque.

La Lawry de John Lobb (1.560 euros)
Le modèle Lawry est un grand classique de chez Lobb. Cette bottine Chelsea est proposée en veau ou veau velours, une version qui correspond parfaitement à l’esprit Swinging London’s des sixties. Elle est en cousue Goodyear et sa construction tensile offre souplesse et confort au porté. Une languette complète l’ensemble.

Bien que d’origine anglo-saxonne, nos trois modèles de Chelsea boots préférés sont français. La Heschung pour son design, sa construction et son excellent rapport qualité-prix. La J.M. Weston est également un « must » absolu pour son aspect totalement indémodable et sa fabrication hors norme. Et enfin, le modèle Aubercy qui, comme toujours pour cette marque parisienne, associe l’excellence en matière de confection doublée d’un look dandy qui convient parfaitement à ce modèle. Pour un style encore plus raffiné, on glacera le bout et les contreforts extérieurs.
 
Jean-Philippe Tarot

Bien choisir ses Chelsea boots par David El Hayani de Reflets de cuir

Les Chelsea boots sont des intemporels plébiscités depuis bien longtemps pour leur simplicité et leur élégance.
 
Quelle que soit la marque choisie, il est important de prendre son temps au moment de l’essayage, car l’empeigne lisse et longue d’un tel modèle implique d’être chaussé au plus près. Comme aucune couture ne viendra pressuriser le pied lors de la marche, on peut se permettre d’opter pour une forme très ajustée.
 
Outre un confort immédiat, c’est aussi la garantie d’une bonne tenue dans le temps au niveau esthétique, plis de marche notamment. Les élastiques latéraux devront également être regardés avec soin, car ils doivent eux aussi rester irréprochables dans le temps.

Si toutes les maisons choisissent des élastiques de bonne facture – image oblige ! - privilégier celles qui doublent les dits-élastiques avec une couche intérieure de coton par exemple. Ainsi, pas de vrille à redouter !
 
Pour l’entretien, rien de plus que pour les autres souliers. Le glaçage se fera sur l’avant au niveau du bout dur, avec si possible un « fondu » entre l’avant du soulier et le reste plutôt qu’une rupture trop forte due à un « bout miroir » trop prononcé.

Montres-de-luxe.com | Publié le 15 Février 2021 | Lu 18989 fois

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