Le chrono Rolex 3525 du caporal Nutting qui servit durant la Grande évasion


Il y a des montres qui ont un destin exceptionnel. C’est incontestablement le cas de ce chrono Rolex 3525 ayant appartenu au caporal Clive Nutting et qui servit à chronométrer les préparatifs de la « Grande évasion » du 24 mars 1944 qui donna lieu ensuite, au roman de Paul Brickhill et au célèbre film de John Sturges.


Durant la Seconde guerre mondiale, Rolex a vendu de nombreuses montres aux pilotes de la Royal Air Force (RAF) qui considéraient que ces garde-temps étaient nettement plus précis et plus fiables que ceux utilisés alors par l’armée… Problème : ces montres étaient également plus chères. Autre problème :  ces montres étaient systématiquement confisquées par les Allemands lorsque les officiers britanniques étaient faits prisonniers : ils devenaient alors des POW. Des « prisonners of war ».   
 
Bien conscient de cette situation, Hans Wilsdorf avait fait savoir aux officiers britanniques que toutes les montres saisies par les Allemands seraient remplacées gratuitement pendant toute la durée de la guerre et seraient envoyées à leur nom dans les camps de prisonniers. Wilsdorf considéraient que ces hommes étaient des gentlemen et qu’ils rembourseraient la montre le moment venu... Quand la paix serait enfin de retour. C’est la raison pour laquelle ces Rolex sont devenues des Rolex POW.
 
Le caporal Nutting fut capturé le 28 mai 1940 à Dunkerque (France) puis détenu au Stalag Luft III de Bagan (actuelle Pologne) où il était cordonnier. Comme tous ses frères d’armes à qui on avait confisqué leurs montres, Nutting écrivit donc à Rolex pour déclarer que son garde-temps avait été saisi par les Allemands lors de son incarcération et qu’il demandait donc son remplacement.
 
Plus concrètement, la montre Rolex de Clive Nutting fut commandée le 10 mars 1943. Lorsque que Rolex reçut cet ordre d'achat de la part de Nutting, la direction de la marque genevoise souligna « un inévitable délai dans la fabrication de cette pièce, non pas à cause des conditions de guerre ou des restrictions, mais à cause d’un grand nombre de commandes de la part des officiers » qui bénéficiaient alors de la fameuse offre « achetez maintenant et payez quand vous le pourrez ».

D’ailleurs, la facture indiquait bien la mention « gratuit » en toutes lettres. Une opération financière pour le moins risquée dans la mesure où Wildsorf ne savait pas combien de temps cette guerre allait durer, ni comment elle allait se terminer. Mais c’était surement une manière pour cet homme d’affaires d’origine allemande de participer à l’effort de guerre.
 
Le chrono 3525 de 35 mm fut livré au Stalag Luft III quatre mois plus tard : le 10 juillet 1943 avec une note manuscrite dans laquelle le patron de Rolex précisait au militaire : « la montre coûte actuellement 250 francs en Suisse mais ne vous préoccupez pas de payer pendant la durée de la guerre en soulignant la deuxième partie de la phrase.
 
Remarquons que Nutting ne commanda pas une Speedking (avec cadran California) comme la plupart de ses congénères, mais un chronographe... Et pour une raison bien précise ! En effet, le prisonnier 738 s’en servit pour chronométrer les allées et venues des soldats allemands dans la prison afin de préparer avec la plus grande précision possible... La grande évasion. A noter que Nutting ne pris pas part à la fameuse évasion ; en revanche, il participa bel et bien à sa préparation*. Plus tard, il sera consultant sur le film de John Sturges. 

A son retour en Grande-Bretagne, le caporal écrivit à Rolex pour réclamer sa facture et demander l’adresse d’un horloger où faire régler sa montre qui prenait une heure par jour « mais qui avait bien résisté au froid » précisait-t-il. Ce n’est que trois ans après la guerre, en 1948, que M. Nutting recevra enfin une facture de Genève d’un montant 15 livres, 12 shillings et six pence.
 
Le dernier « enregistrement » de la montre de Clive Nutting dans les archives Rolex date du 28 mars 2003. Il s’agissait d’une révision pour un montant de 2.356 dollars australiens… 63 ans après que son propriétaire d’origine devienne prisonnier de guerre. Il conservera sa montre jusqu'à sa mort en Australie en 2001, à l'âge de 90 ans.
 
En mai 2007, cette montre fut vendue à un Australien par Antiquorum pour 66.000 Livres sterling. Quant à la Speedking du lieutenant Gerald Imeson, celle qu’il portait pendant la Grande évasion (et que porte Steve McQueen dans le film), elle fut vendue pour la somme de 60.000 Livres sterling.
 
*En tout, 76 soldats s’évadèrent dont 50 furent capturés et exécutés par les Allemands.

Montres-de-luxe.com | Publié le Mardi 16 Aout 2016 | Lu 5151 fois

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