Lettre ouverte d'Edouard Meylan, PDG de H. Moser & Cie à Thomas Jordan, président de la BNS


Suite à la décision hier, de la Banque Nationale Suisse (BNS) d’abolir le cours plancher de 1.20 francs suisse pour un euro, Edouard Meylan, PDG de l’entreprise horlogère familiale H. Moser & Cie, vient de publier une lettre ouverte à Thomas Jordan, président de la BNS sur les conséquences de cette décision…


Cher Monsieur le Président,
Je tenais à vous remercier personnellement et publiquement de votre décision d'abolir le cours plancher de 1,20 franc suisse pour 1 euro.
 
Ce matin, quand je me suis réveillé, j'étais en proie à un sentiment étrange. Alors que je prenais connaissance des nouvelles, je me demandais « que vais-je bien pouvoir faire aujourd’hui ? », à côté bien évidemment de nos tâches habituelles en ce mois de janvier. Il n’y avait pas d’annonce de nouveau conflit, aucune grosse actualité à propos de la baisse des marchés émergents, ni, fort heureusement, de nouvelle attaque terroriste.
 
Je suis un entrepreneur et dirige une petite manufacture horlogère appelée H. Moser & Cie., basée dans le canton de Schaffhouse. Chez H. Moser & Cie., notre signature est « Very rare ». « Very rare » parce que nous produisons 1'000 montres par année, parce que nous sommes des entrepreneurs au sein d’un groupe indépendant et familial qui emploie 55 personnes, et parce que nous sommes une manufacture dans le véritable sens du terme, concevant et produisant entièrement nos montres ingénieuses.
 
En tant qu’entrepreneur dans une petite compagnie suisse, j’aime les défis. Qu’ils soient générés par la pression exercée par les grands groupes de luxe en matière d’approvisionnement ou de distribution, ou encore liés à la bataille quotidienne que nous livrons pour faire plus avec de petits budgets face à l’avalanche de publicité et de grand marketing. Et bien aujourd’hui, Monsieur le Président, votre décision spectaculaire a encore rendu les choses plus complexes : en effet, 95% de notre production est vendue à l’étranger et à des clients autour du monde – hors de Suisse. Je profite d’ailleurs pour mentionner, de manière concrète et transparente, que les premiers détaillants ont annulé leurs commandes suite à votre annonce.
 
Ainsi, ce matin, à 10h38, quand mon directeur financier m’a envoyé un email intitulé « Breaking News », j’ai pensé : « Enfin quelque chose à faire ! ». Quelque chose qui va me forcer à trouver des solutions pour poursuivre notre croissance, améliorer notre rentabilité et assurer la pérennité de H. Moser & Cie., garantissant le travail de mes 55 collaborateurs.
 
En fait, une pensée m’a traversé l’esprit : pourquoi ne pas tout simplement déménager à 2 kilomètres, en Allemagne, et continuer notre activité dans l’Union européenne ? Je ferais même d’une pierre deux coups puisque cela me permettrait de résoudre cet autre défi qui attend l’économie suisse à partir du mois de février, avec la diminution des permis de travail délivrés aux résidents de l’Union européenne – j’ai omis de préciser que 20% environ de mes employés sont allemands.
 
Alors laissez-moi vous faire un appel clair au nom de toutes les entreprises de petite et moyenne taille qui emploient de si nombreux collaborateurs suisses : je suis convaincu que vous avez un plan qui va nous aider à traverser tout ça sur le long terme. Parce que, si tel n'est pas le cas, comme beaucoup d'autres merveilleuses créations suisses, les montres H. Moser risquent de devenir vraiment très très rares... 
 
Cordialement,
Edouard Meylan, PDG de H. Moser & Cie.

Montres-de-luxe.com | Publié le 16 Janvier 2015 | Lu 1751 fois

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