Ma première Foire de Bâle : par Julien Haenny


Alors que la Foire de Bâle subit actuellement un véritable « tremblement de terre », la prochaine édition étant officiellement annulée, nous avons demandé à des professionnels de l’horlogerie de revenir sur « leur tout premier Bâle », celui qui est resté gravé dans leur mémoire. Une série de témoignages intergénérationnels qui revient sur ce qui reste, jusqu’à ce jour, le plus grand rendez-vous mondial de l’horlogerie. Aujourd’hui, Julien Haenny.


2006, mon premier Baselworld : je m’en souviens comme si c’était hier, j’avais 29 ans, c’était mon premier job dans cette industrie si particulière ; cette grande famille qu’est l’horlogerie.
 
J’étais responsable « du stand » comme on disait. Mon rôle était de mettre en place l’outil de travail de la marque pour les presque 15 jours de foire ; un marathon qui commençait déjà bien en amont de cette Grand-Messe qu’est Baselworld pour se terminer bien après tout le monde, lors du démontage. Une fois le rideau tombé et une fois que la magie ait opérée.
 
Car, même si Baselworld était historiquement une foire professionnelle destinée à faire des affaires entre professionnels du monde entier avec pour objectif de réaliser LE chiffre de l’année en deux semaines, il n’en reste pas moins que c’était Wonderland pour tous les passionnés de garde-temps. Un moment magique et unique.
 
Je me souviens de la toute première fois où je suis rentré dans le Hall 1.0 par les portes officielles, les yeux grands écarquillés comme un enfant rentrant dans un magasin de jouet en période de Noël : des stands à perte de vue, plus beaux et plus grands les uns que les autres, des cascades, des aquariums, des restaurants en terrasse, des avions et des stars déambulant dans les couloirs des halles suivis par des hordes de photographes guettant la marque dans laquelle elles allaient faire leur shopping ou la bise au CEO… Selon, les affinités, les accointances ou les contrats.
 
Pendant des décennies, la Foire de Bâle, a été « le » rendez-vous incontournable de toute l’industrie. Déjà à l’époque de mon grand-père, horloger chez Zenith dans les années 30, il n’était pas question de manquer ce salon ô combien important pour aller dénicher de bonnes affaires et découvrir les nouveautés des marques et des fournisseurs. Seul le mot « luxe » est venu se greffer plus tard, avec les années. Mais la vocation du salon est restée la même après toute ces années : faire découvrir l’horlogerie !
 
Donc, 2006 a été pour moi l’année de la découverte de la foire. Après y être allé quelques fois en tant que visiteur, j’intégrais enfin ce cercle très fermé de l’horlogerie ; cette industrie où tout le monde se connait de près ou de loin.
 
Baselworld c’était l’occasion de tisser des liens professionnels aux quatre coins de la planète le temps du salon, d’échanger et de partager des infos, des ragots et les succès de nos montres hors de nos frontières.
 
Cette quinzaine était véritablement épuisante et stressante, mais elle était aussi extrêmement grisante ! Un rythme effréné : des journées longues et des nuits courtes, voire parfois, inexistantes… Il y avait tant à faire et tant à voir. Ce, quelque soit votre rôle dans l’entreprise. Tout le monde était dans le même bateau à tirer la même corde. C’était une chance et un honneur de pouvoir participer et représenter une marque quelque qu’elle soit.
 
De mes treize années de Baselword, je retiens quelques moments épiques, voire même rocambolesques, comme mes premières nuits dans un vieux bateau sur le Rhin qui sentait le vieux mazout. Aucune fenêtre ou presque, un hublot donnant sous le niveau du quai pour 3 m2 d’espace de vie et de rangement ! Bâle et ses chambres d’hôtel, toute une histoire !
 
Je me souviens aussi de cette fois où, la veille de l’ouverture officielle de la foire, la cascade d’eau de notre nouveau stand, après sa première mise en route, a commencé à fuiter et à goutter sur le stand de l’étage inférieur !

Enfin, je me souviens de cette rencontre improbable : j’étais en pleine interview lorsqu’un collaborateur vint me chercher pour me dire qu’Arnold Schwarzenegger était à l’entrée de notre stand pour découvrir notre collection.
 
Au début, bien sûr, j’ai cru que c’était un canular ! Mais vu le bruit et l’excitation qui parvenait de l’entrée, j’ai dit à la journaliste que je devais allez voir ce qui se passait… Et effectivement, Arnold était bien là avec ses gardes du corps et une nuée de paparazzi. Nous avons bu quelques coupes de champagne. Un super souvenir. Mais au final, j’ai complétement oublié la journaliste !
 
Pour moi, Baselworld restera à jamais Baselworld ! Avec ces hommes et ces femmes habillés de leur plus bel apparat, avec les « hip hip hip hourra » retentissants des stands pour fêter l’atteinte des objectifs annuels après seulement quelques heures d’ouverture, avec l’odeur de saucisse grillée à l’entrée accompagnée de sa moutarde et de sa bière fraîche et avec son orchestre en fin de journée…
 
Mais Baselworld, c’est aussi ces files d’attente pour aller… aux toilettes, ces dîners dans les lieux les plus simples mais typiques de Bâle avec de grandes tablées, ces trams bondés le matin où l’on parle les langues du monde entier, ces afters au Basel Village ou au Bar Rouge qui nous amenaient jusqu’au petit matin.
 
C’est là où les plus belles affaires se discutaient et se concluaient le lendemain ! C’était ça Baselworld…

Julien Haenny, a démarré au MGI Luxury Group puis est resté plusieurs années chez Jaeger-LeCoultre puis chez Technomarine, puis a été PDG d'Anonimo-Vulcain et plus récemment, en charge du lancement du Fine Watch Club. Un profil empreint de marketing, de communication en passant par la distribution, les produits et la finance. Aujourd’hui, Julien Haenny est consultant dans l’horlogerie et le luxe.

Montres-de-luxe.com | Publié le 15 Mai 2020 | Lu 1047 fois

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