Moyen-Orient, hiver 2009 : rencontre entre l’horloger Denis Asch et Vasken Chokarian, rédacteur en chef d’iW


Après avoir « visité » les Etats-Unis en juin, la Russie en juillet, l’Amérique latine en août et l’Asie à la rentrée 2009, Denis Asch, fondateur de la boutique L’heure Asch à Genève poursuit son tour du monde des spécialistes horlogers en interviewant Vasken Chokarian, rédacteur en chef de l’édition moyen-orientale d’International Watch.


Denis Asch : Le Moyen-Orient a été l’un des marchés les plus porteurs pour l’industrie horlogère suisse –après la Chine et la Russie- pendant plusieurs années. Est-ce toujours le cas ?

Vasken Chokarian : La région n’atteint pas encore le niveau des grands marchés horlogers mondiaux, mais des bases solides ont été jetées et le Moyen-Orient, qui a longtemps été considéré comme un marché assez « bling-bling », compte aujourd’hui de vrais connaisseurs pour qui le mouvement compte autant que l’esthétique de la montre. Je suis confiant pour l’avenir.

Denis Asch : quelle est la situation économique au Moyen-Orient ? Quelles sont les zones les plus touchées par la crise et celles qui s’en sortent le mieux ?

Vasken Chokarian : Même si on ne peut nier l’impact de la crise économique mondiale sur l’économie locale, je pense que le Moyen-Orient est relativement épargné, comparé au reste du monde.

Comme on dit ici : « là où il y a du pétrole, il y a de la vie ». C’est la raison pour laquelle l’Arabie Saoudite et Abu Dhabi, dont la production et les réserves de pétrole sont considérables, s’en sortent mieux que les autres. Mais ce qui m’impressionne le plus au Moyen-Orient, c’est l’esprit combatif qui anime l’élite locale. Elle a su tiré parti de cette crise pour analyser les faiblesses et les points forts de son modèle économique, qu’elle a fait évoluer en conséquence. Je tire d’ailleurs mon chapeau à Dubaï, qui survit magistralement malgré la terrible crise immobilière qu’elle traverse, comme chacun sait.

Denis Asch : justement, Dubaï passe pour être le marché test du Moyen-Orient. Pourquoi ?

Vasken Chokarian : En effet, Dubaï est un excellent tremplin pour les marques au Moyen-Orient car tout le monde connaît Dubaï, tout le monde y vient et veut faire partie de la fête. Mais la plupart des observateurs pensent que c’est un marché mature. Personnellement, je crois qu’ils se trompent et je leur conseillerais d’attendre 2015 -voire 2020- pour évaluer le poids réel de Dubaï dans la région. J’ajoute qu’il faut désormais compter avec l’Arabie Saoudite et le Qatar, dont les populations s’accroissent, ainsi que leur pouvoir d’achat.

Denis Asch : Et le Liban ? Peut-on considérer comme Audemars Piguet -qui a une filiale à Beyrouth- que c’est un tremplin idéal pour travailler au Moyen-Orient ?

Vasken Chokarian : Pour être né au Liban et y avoir grandi, je peux vous assurer qu’il n’y a pas de meilleur endroit pour vivre dans le monde. Le climat y est idéal et l’hospitalité des Libanais comptent parmi ses nombreux attraits touristiques. D’ailleurs, bien qu’il soit durement touché par la crise, et qu’il reste tributaire de son instabilité politique, le Liban a connu l’été dernier des taux records de fréquentation touristique et de ventes chez les détaillants. J’ajoute que les Libanais aiment le luxe et sont très au fait des dernières modes. Pour toutes ces raisons, je suis convaincu que le Liban représente un marché que les marques de luxe ne devraient pas négliger.

Denis Asch : Le succès des « shopping mall » est incontestable au Moyen-Orient. N’est-ce-pas un peu impersonnel ?

Vasken Chokarian : Non, je ne suis pas d’accord avec vous car, à Dubaï et dans la région, les centres commerciaux sont tellement luxueux que toutes les marques se battent pour y être. Par ailleurs, il faut compter avec le climat, ce n’est pas comme en Europe. Ici, la chaleur est telle que les clients fréquentent volontiers les centres commerciaux climatisés qui offrent tout le confort nécessaire et où ils trouvent tout -absolument tout- ce qu’ils souhaitent.

Denis Asch : Dans une telle profusion, qu’est-ce-qui fait la différence ?

Vasken Chokarian : En effet, les boutiques sont tellement luxueuses dans le Golfe, et particulièrement à Dubaï, qu’il est difficile de faire son choix. La clé, c’est la communication. Les marques qui maintiennent leurs efforts marketing ont plus de chance que les autres de faire la différence au moment de l’achat.

Denis Asch : si nous parlions montre... Que pensez-vous du Double Tourbillon Technique de Greubel Forsey ?

Vasken Chokarian : J’apprécie le tourbillon en tant qu’invention horlogère et je trouve que l’effet produit - surtout quand le cadran est ajouré -est très impressionnant. Mais je ne suis pas fan de cette complication. Cependant, je dois admettre que Greubel Forsey est l’un des grands spécialistes du genre et le Double Tourbillon Technique est l’un de mes favoris. J’admire les formes généreuses du boîtier (47,5mm), la précision et l’esthétique du mouvement, dont on distingue les éléments à travers la glace saphir. Je salue également les prouesses techniques de Greubel Forsey, notamment les quatre barillets coaxiaux en série à rotation rapide, dont le ressort à bride glissante évite les surtensions. Et que dire du tourbillon extérieur qui effectue une rotation en 4 minutes… C’est une pièce unique que tous les amoureux de cette complication devraient avoir.

Denis Asch : En conclusion, quels sont vos projets pour le futur ?

Vasken Chokarian : J’aimerais organiser une sorte de forum de Davos dédié à l’industrie horlogère, qui réunirait de nombreuses personnalités du secteur pour mettre les choses à plat et discuter de l’avenir. Je crois que le moment est venu de réfléchir sur le fond.

Article publié avec l’aimable autorisation de l’Heure Asch

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Montres-de-luxe.com | Publié le 30 Novembre 2009 | Lu 5841 fois

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