Sommes-nous toujours libres de porter nos montres de luxe ?


Le nombre de vols de montres de luxe « à l’arraché » sur Paris reste très élevé. Retour sur une situation préoccupante mettant à mal nos libertés. Par C. G. amateur de montres et spécialiste en sécurité HBJO.


Une situation préoccupante…

Le démantèlement en 2014 et 2015 de plusieurs groupes spécialisés dans le vol de montres de luxe « à l’arraché » est déjà bien loin. Malgré la mise en place d’unités de police dédiées à protéger nos touristes, les grandes villes françaises (Paris en tête) demeurent largement touchées par ces « vols avec violence » généralement orchestrés, soit par des jeunes issus de banlieue, soit par des professionnels ultra-mobiles provenant d’Italie, de la région de Naples plus particulièrement.
 
Paris reste la ville la plus touchée avec un centre névralgique opératoire délimité par le fameux triangle d’or (Champs-Elysées / avenue Montaigne / avenue Georges V). La majorité des vols « à l’arraché » étant commis dans ce secteur très prisé par les riches hommes d’affaires et les touristes fortunés multipropriétaires de belles montres de luxe.
 
En 2016, deux montres de la manufacture Patek Philippe (28.000 et 50.000 euros) ont été volées avec violence dans ces beaux quartiers. Quant à l’avenue Montaigne, elle a été le théâtre de deux autres vols « à l’arraché » délestant les propriétaires de montres Hublot et Dewitt de leurs garde-temps préférés.
 
D’autres quartiers peuvent être le terrain de jeux de ces multi-délinquants s’attaquant aux touristes de toutes nationalités arborant leurs plus beaux calibres de collection. Ainsi Richard Mille demeure une des marques les plus touchées et l’ex-heureux propriétaire chinois débarquant aux abords de la gare du nord en juillet 2016 ne pourra plus admirer sa RM achetée 90.000 euros.
 
L’année 2017 n’est pas en reste avec un vol spectaculaire et très violent perpétré en avril dernier contre un fan de Rolex exhibant une montre dépassant les 125.000 euros. La saison estivale fut marquée elle aussi par un vol « à l’arraché » d’une Audemars Piguet à 10.000 euros et d’une onéreuse Richard Mille avenue Georges V.

Un mode opératoire bien structuré
Le mode opératoire est quasi toujours le même : les auteurs des faits opèrent à deux ou à trois et possèdent malgré leur jeune âge (22 à 30 ans) une culture horlogère qui rendrait jaloux Louis Abraham Breguet en personne.
 
Ces délinquants sont très mobiles et se déplacent à pied ou en scooter à la recherche d’une victime potentielle. Les vols sont donc basés sur un caractère plus opportuniste que prémédité. Ces derniers n’hésitent pas à frapper leur victime soit gratuitement, soit face à une trop forte résistance de celle-ci. Leurs cibles sont principalement des hommes d’affaires et des touristes majoritairement Chinois.
 
La victime est repérée, puis abordée par les individus qui n’hésitent pas à la ceinturer ou la plaquer au sol afin d’arracher la montre à son porteur. Les gestes violents mettent à rude épreuve les bracelets, mais ce sont finalement les « pompes », fines tiges ressort permettant de relier le bracelet au boitier de la montre, qui finissent par lâcher au grand désarroi de la victime.
 
Les marques statistiquement les plus touchées sont Richard Mille et Hublot qui sont bien connues des jeunes fans du PSG issus des banlieues et admirant leurs joueurs fétiches quasiment tous porteurs de ces grands noms horlogers. Suivent les Rolex, les Audemars Piguet et les Patek Philippe.

Une justice à bout de souffle…
La police parvient à réaliser quelques rares interpellations en flagrant délit, mais le code pénal qui prévoit normalement de lourdes peines au vue de l’équation VOL + VIOLENCE + BANDE ORGANISEE (à partir de 2 individus) ne tient plus ses promesses. Ce point demeure aujourd’hui le véritable « talon d’Achille » de notre justice. L’application stricte du code pénal et des peines prévues ne se faisant plus comme elle devrait se faire.
 
Notre système judiciaire est aujourd’hui malade. L’engorgement des tribunaux, la manque de budgets, la saturation de nos maisons d’arrêt ainsi qu’une société de plus en plus permissive et laxiste favorisent une sorte de « légèreté » dans l’application du code pénal. Les auteurs de vol « avec violence » n’écopent plus que de quelques mois de prison ferme et se transforment en de véritables multirécidivistes de droit commun, par manque de sévérité des applications de peine.
 
Le ministère de l’Intérieur -via les préfectures et les commissariats de police- a pourtant mis en place des unités en civils ou en uniformes, dédiées à la protection de nos touristes et à la lutte contre les groupes de délinquants spécialisés en « vol à la tire » (pickpocket) et en « vol avec violence ». Hélas, le nombre de vols « à l’arraché » perpétrés par les jeunes délinquants et par les groupuscules mafieux provenant d’Italie demeurent à ce jour très important et les réseaux de recéleurs établis respectivement dans les pays nord-africains et en Italie ont de beaux jours devant eux…
 
Il faut savoir que la revente d’une montre volée ne rapporte qu’entre 30 à 50% du prix de la pièce neuve. Malgré l’existence de fichiers créés par chaque grande marque horlogère permettant l’identification et la récupération d’une montre volée lors d’une opération de SAV, force est de constater que le goût de l’argent facile et la dépénalisation grandissante continuent à mettre à mal les nerfs des touristes et des amoureux de belles « toquantes ».

Privation de liberté ?
Je me suis entretenu début septembre avec une belle et fortunée jeune femme victime fin août 2017 d’un vol « à l’arraché » ultra violent à bord de son cabriolet stationné dans une des grandes rues de Cannes en plein milieu de journée. Cette dernière a été surprise par la rapidité et la violence (coup de casque) des deux individus se jetant sur sa voiture tels des pirates accosteraient un bateau. En quelques secondes les délinquants ont réussi à lui arracher une superbe Richard Mille pavée de brillants (150.000 euros) et à prendre la poudre d’escampette…
 
Cet épisode traumatisant pour cette jeune femme -et d’une manière générale pour toutes les victimes de ces vols perpétrés à même le corps- nous amène à une conclusion sidérante mais bien réelle : nous, amoureux de belles montres, sommes tout simplement en train de perdre une liberté individuelle : celle de porter en toute quiétude, nos gardes temps favoris.
 
Ne sommes-nous donc plus libres de porter nos montres Rolex, nos tourbillons Jaeger-Lecoultre et autres chronographes Zénith ? En ce qui me concerne, c’est « Non » ! Je vous le dis, je ne lâcherai rien et je continuerai à exhiber mes plus beaux calibres afin d’assouvir ma passion, celle de porter des belles montres.

Montres-de-luxe.com | Publié le 14 Septembre 2017 | Lu 13709 fois

À découvrir aussi :