Pour une fois, la dernière oeuvre d’IWC Schaffhausen –550 pièces pour plus de 4 kilogrammes– ne constitue pas une prouesse de mécanique de précision (ni de légèreté) : il s’agit en effet d’un livre, dont la création s’est étendue sur plus de trois ans.
L’ouvrage met en lumière une histoire qui commence en 1868, l’année de la fondation de l’International Watch Company à Schaffhausen. Tout au long de ses pages, il déploie une vision de la marque reconnue aujourd’hui dans le monde entier d’une manière qui dépasse largement le cadre usuel.
Cette histoire de la culture schaffhousoise de la mesure du temps, à laquelle d’importants efforts de recherche ont été consacrés, est intitulée: « IWC Schaffhausen. Engineering Time since 1868 ».
La tradition et la passion de l’art horloger sont les principes de base qui ont fait le caractère si unique d’IWC, à Schaffhausen, loin des centres horlogers de Suisse occidentale. Ce parcours si fermement tracé, que jalonnent de nombreuses étapes majeures de l’histoire de l’horlogerie, a débuté voici plus de 140 ans avec l’arrivée sur les rives du Rhin d’un horloger de Boston, aussi talentueux que courageux : Florentine Ariosto Jones.
La fondation de cette manufacture horlogère est l’une des plus intéressantes de l’industrie horlogère suisse. Schaffhausen abritait une corporation d’horlogers dès le XVIe siècle. Mais ce n’est qu’avec l’esprit novateur et ingénieux de Jones que la petite ville pittoresque est véritablement entrée dans son ère horlogère. « Engineering Time » – depuis 1868.
« Pour rendre hommage à notre fondateur et aux longues années d’existence d’IWC, nous ne voulions
pas éditer un livre d’horlogerie classique. Nous avons préféré nous adresser à un large public avec un parti pris plus artistique afin de transmettre le charme, l’unicité et la fascination de notre manufacture », explique Georges Kern, patron de la marque, dans son avant-propos.
Et en effet, l’évolution de la manufacture –de la marque confidentielle pour connaisseurs éclairés à la marque mondiale pour amateurs de belle horlogerie– n’a pas été simplement couchée sur le papier, mais bel et bien mise en lumière à l’aide de nombreux faits historiques réunis pour la première fois. La structure de l’ouvrage établit une claire distinction entre l’histoire et la manufacture IWC d’aujourd’hui ; elle rend hommage aux différentes familles de montres actuelles en relatant leurs origines captivantes, qui remontent jusqu’au milieu des années 1930, et leur histoire spécifique.
Le livre se termine par une liste exhaustive des calibres. Il engendre ainsi, à la manière d’une mosaïque, une vision d’ensemble de l’art horloger cultivé par la manufacture. De brefs récits complémentaires interrompent le texte en l’agrémentant de connaissances approfondies et en facilitent ainsi l’approche. Les « sidelines » qui accompagnent la narration centrale invitent également à la découverte en proposant d’autres clés de lecture captivantes.
L’ouvrage met en lumière une histoire qui commence en 1868, l’année de la fondation de l’International Watch Company à Schaffhausen. Tout au long de ses pages, il déploie une vision de la marque reconnue aujourd’hui dans le monde entier d’une manière qui dépasse largement le cadre usuel.
Cette histoire de la culture schaffhousoise de la mesure du temps, à laquelle d’importants efforts de recherche ont été consacrés, est intitulée: « IWC Schaffhausen. Engineering Time since 1868 ».
La tradition et la passion de l’art horloger sont les principes de base qui ont fait le caractère si unique d’IWC, à Schaffhausen, loin des centres horlogers de Suisse occidentale. Ce parcours si fermement tracé, que jalonnent de nombreuses étapes majeures de l’histoire de l’horlogerie, a débuté voici plus de 140 ans avec l’arrivée sur les rives du Rhin d’un horloger de Boston, aussi talentueux que courageux : Florentine Ariosto Jones.
La fondation de cette manufacture horlogère est l’une des plus intéressantes de l’industrie horlogère suisse. Schaffhausen abritait une corporation d’horlogers dès le XVIe siècle. Mais ce n’est qu’avec l’esprit novateur et ingénieux de Jones que la petite ville pittoresque est véritablement entrée dans son ère horlogère. « Engineering Time » – depuis 1868.
« Pour rendre hommage à notre fondateur et aux longues années d’existence d’IWC, nous ne voulions
pas éditer un livre d’horlogerie classique. Nous avons préféré nous adresser à un large public avec un parti pris plus artistique afin de transmettre le charme, l’unicité et la fascination de notre manufacture », explique Georges Kern, patron de la marque, dans son avant-propos.
Et en effet, l’évolution de la manufacture –de la marque confidentielle pour connaisseurs éclairés à la marque mondiale pour amateurs de belle horlogerie– n’a pas été simplement couchée sur le papier, mais bel et bien mise en lumière à l’aide de nombreux faits historiques réunis pour la première fois. La structure de l’ouvrage établit une claire distinction entre l’histoire et la manufacture IWC d’aujourd’hui ; elle rend hommage aux différentes familles de montres actuelles en relatant leurs origines captivantes, qui remontent jusqu’au milieu des années 1930, et leur histoire spécifique.
Le livre se termine par une liste exhaustive des calibres. Il engendre ainsi, à la manière d’une mosaïque, une vision d’ensemble de l’art horloger cultivé par la manufacture. De brefs récits complémentaires interrompent le texte en l’agrémentant de connaissances approfondies et en facilitent ainsi l’approche. Les « sidelines » qui accompagnent la narration centrale invitent également à la découverte en proposant d’autres clés de lecture captivantes.
L’intervention de l’auteur de best-sellers Paulo Coelho, qui a accepté de rédiger un « livre dans le livre » (voir extrait ci-dessous) pour traiter la partie plus littéraire de l’ouvrage à travers sept nouvelles débordantes d’imagination, donne à l’oeuvre un deuxième niveau narratif. Paulo Coelho aborde avec une grande liberté artistique la phase de la fondation de l’entreprise et les six familles de montres. Ses récits sont interprétés graphiquement par un artiste non moins fameux. Les travaux de l’auteur, dessinateur et réalisateur Enki Bilal traduisent la vigueur narrative de Coelho en des couleurs modernes et puissantes.
Pourquoi IWC Schaffhausen produit-elle des Montres d’Aviateur ? Pourquoi est-elle célèbre pour sa collection Ingenieur ? Comment est apparue la montre Portofino et d’où vient le succès de la Da Vinci Calendrier Perpétuel ? Comment IWC, un fabricant de montres de poche et de montres-bracelets parfaites, mais simples, a-t-il pu s’imposer ces 25 dernières années dans l’univers de la Haute Horlogerie grâce à des complications toujours croissantes ? Qui ont été et qui sont les personnalités, les chefs d’entreprise, les horlogers et ingénieurs de talent sur qui repose cette réussite ? Qu’est-ce qui distingue la manufacture et ses produits des autres marques ? Quel est ici le rôle de la ville de Schaffhausen, avec sa tradition horlogère remontant au Moyen Age ? Toutes ces questions trouvent leurs réponses dans la partie historique très complète de l’ouvrage, élaborée et rédigée avec soin par le journaliste allemand et connaisseur de la marque Manfred Fritz avec l’assistance et les connaissances de collaborateurs de longue date de la manufacture et de quelques autres auteurs.
Mais IWC Schaffhausen a tenu également à ce que l’oeuvre s’inscrive dans un cadre graphique et formel exclusif et conforme à l’image de l’entreprise. Ainsi, cet ouvrage de quelque 550 pages, riche de 500 illustrations en partie non publiées précédemment, qui brosse le portrait de l’une des marques horlogères les plus passionnantes de notre temps et en expose les produits, est mis en valeur par des photographies de grande qualité et par une mise en page remarquable. Un livre tout à fait exceptionnel, qui touche et séduit non seulement le collectionneur, mais également le passionné d’horlogerie ou l’ami des montres de luxe exclusives.
Pourquoi IWC Schaffhausen produit-elle des Montres d’Aviateur ? Pourquoi est-elle célèbre pour sa collection Ingenieur ? Comment est apparue la montre Portofino et d’où vient le succès de la Da Vinci Calendrier Perpétuel ? Comment IWC, un fabricant de montres de poche et de montres-bracelets parfaites, mais simples, a-t-il pu s’imposer ces 25 dernières années dans l’univers de la Haute Horlogerie grâce à des complications toujours croissantes ? Qui ont été et qui sont les personnalités, les chefs d’entreprise, les horlogers et ingénieurs de talent sur qui repose cette réussite ? Qu’est-ce qui distingue la manufacture et ses produits des autres marques ? Quel est ici le rôle de la ville de Schaffhausen, avec sa tradition horlogère remontant au Moyen Age ? Toutes ces questions trouvent leurs réponses dans la partie historique très complète de l’ouvrage, élaborée et rédigée avec soin par le journaliste allemand et connaisseur de la marque Manfred Fritz avec l’assistance et les connaissances de collaborateurs de longue date de la manufacture et de quelques autres auteurs.
Mais IWC Schaffhausen a tenu également à ce que l’oeuvre s’inscrive dans un cadre graphique et formel exclusif et conforme à l’image de l’entreprise. Ainsi, cet ouvrage de quelque 550 pages, riche de 500 illustrations en partie non publiées précédemment, qui brosse le portrait de l’une des marques horlogères les plus passionnantes de notre temps et en expose les produits, est mis en valeur par des photographies de grande qualité et par une mise en page remarquable. Un livre tout à fait exceptionnel, qui touche et séduit non seulement le collectionneur, mais également le passionné d’horlogerie ou l’ami des montres de luxe exclusives.
UN TEMPS POUR PLEURER ET UN TEMPS POUR RIRE
6h14 PM
Au milieu de la plage, il vit le couple d’étrangers qui avaient cessé de lire et contemplaient maintenant le soleil qui commençait à descendre sur l’horizon. Il y avait beaucoup de monde sur la plage, et à mesure qu’il suivait des yeux le filet de sable qui marquait la frontière entre la terre ferme et l’océan, une voix intérieure lui rapportait ce que tous ressentaient.
La terreur.
La femme en bikini blanc qui était avec lui sur son yacht luxueux s’approcha. « Es-tu content ? »
« Oui. »
Mais il ne l’était pas. Il savait tout ce qui se passait sur la plage.
L’excellent père de famille qui à ce moment rangeait les affaires et aidait ses enfants à mettre leur pull-over aurait aimé avoir une aventure avec sa secrétaire, mais il était terrorisé par la réaction de sa femme. La femme, qui aurait aimé travailler et avoir son indépendance, était terrorisée par la réaction de son mari. Les enfants se tenaient bien, terrorisés par les punitions.
La fille qui lisait un livre, seule sous une tente, feignait de s’ennuyer alors que son âme était terrorisée à l’idée de ne jamais rencontrer l’amour de sa vie. Le garçon qui exerçait son corps était terrorisé de devoir répondre aux attentes de son père. Le vieux qui ne fumait pas et ne buvait pas, affirmait qu’il n’était plus en état d’agir de la sorte, alors que, en réalité, la terreur de la mort murmurait comme le vent à ses oreilles.
Un couple passa en courant, éclaboussant les autres de l’eau des vagues déferlantes, le sourire aux lèvres, une terreur secrète leur disant qu’ils allaient devenir vieux, inintéressants, invalides.
L’homme qui arrêta son canot près du yacht et fit signe de la main, souriant, brûlé par le soleil, ressentait la terreur parce qu’il risquait de perdre son argent d’une heure à l’autre. Le patron de l’hôtel de luxe dont tout le monde disait que c’était un ancien hôpital, qui sortait maintenant pour saluer ses hôtes en s’efforçant de tous les satisfaire et de se montrer chaleureux, rentrerait bientôt, et il se mettrait à hurler contre ses caissiers, la terreur dans l’âme parce qu’il savait que –malgré son honnêteté– les fonctionnaires découvraient toujours les failles qu’ils voulaient trouver dans la comptabilité.
Une terreur à couper le souffle chez toutes ces personnes sur la jolie plage à la nuit tombante. Terreur de rester seul, terreur de l’obscurité qui peuplait l’imagination de démons, terreur de faire quelque chose sans respecter le manuel du bon comportement, terreur du jugement de Dieu, terreur des commentaires des hommes, terreur de la justice qui punissait toutes les fautes, terreur de l’injustice qui laissait les coupables menaçants en liberté, terreur de risquer et de perdre, terreur de gagner et de devoir supporter l’envie, terreur d’aimer et d’être rejeté, terreur de demander une augmentation, d’accepter une invitation, d’aller dans des endroits inconnus, de ne pas réussir à parler une langue étrangère, de ne pas pouvoir impressionner les autres, de vieillir, de mourir, d’être remarqué pour ses défauts, de ne pas être remarqué pour ses qualités, de n’être remarqué ni pour ses défauts ni pour ses qualités.
Au milieu de la plage, il vit le couple d’étrangers qui avaient cessé de lire et contemplaient maintenant le soleil qui commençait à descendre sur l’horizon. Il y avait beaucoup de monde sur la plage, et à mesure qu’il suivait des yeux le filet de sable qui marquait la frontière entre la terre ferme et l’océan, une voix intérieure lui rapportait ce que tous ressentaient.
La terreur.
La femme en bikini blanc qui était avec lui sur son yacht luxueux s’approcha. « Es-tu content ? »
« Oui. »
Mais il ne l’était pas. Il savait tout ce qui se passait sur la plage.
L’excellent père de famille qui à ce moment rangeait les affaires et aidait ses enfants à mettre leur pull-over aurait aimé avoir une aventure avec sa secrétaire, mais il était terrorisé par la réaction de sa femme. La femme, qui aurait aimé travailler et avoir son indépendance, était terrorisée par la réaction de son mari. Les enfants se tenaient bien, terrorisés par les punitions.
La fille qui lisait un livre, seule sous une tente, feignait de s’ennuyer alors que son âme était terrorisée à l’idée de ne jamais rencontrer l’amour de sa vie. Le garçon qui exerçait son corps était terrorisé de devoir répondre aux attentes de son père. Le vieux qui ne fumait pas et ne buvait pas, affirmait qu’il n’était plus en état d’agir de la sorte, alors que, en réalité, la terreur de la mort murmurait comme le vent à ses oreilles.
Un couple passa en courant, éclaboussant les autres de l’eau des vagues déferlantes, le sourire aux lèvres, une terreur secrète leur disant qu’ils allaient devenir vieux, inintéressants, invalides.
L’homme qui arrêta son canot près du yacht et fit signe de la main, souriant, brûlé par le soleil, ressentait la terreur parce qu’il risquait de perdre son argent d’une heure à l’autre. Le patron de l’hôtel de luxe dont tout le monde disait que c’était un ancien hôpital, qui sortait maintenant pour saluer ses hôtes en s’efforçant de tous les satisfaire et de se montrer chaleureux, rentrerait bientôt, et il se mettrait à hurler contre ses caissiers, la terreur dans l’âme parce qu’il savait que –malgré son honnêteté– les fonctionnaires découvraient toujours les failles qu’ils voulaient trouver dans la comptabilité.
Une terreur à couper le souffle chez toutes ces personnes sur la jolie plage à la nuit tombante. Terreur de rester seul, terreur de l’obscurité qui peuplait l’imagination de démons, terreur de faire quelque chose sans respecter le manuel du bon comportement, terreur du jugement de Dieu, terreur des commentaires des hommes, terreur de la justice qui punissait toutes les fautes, terreur de l’injustice qui laissait les coupables menaçants en liberté, terreur de risquer et de perdre, terreur de gagner et de devoir supporter l’envie, terreur d’aimer et d’être rejeté, terreur de demander une augmentation, d’accepter une invitation, d’aller dans des endroits inconnus, de ne pas réussir à parler une langue étrangère, de ne pas pouvoir impressionner les autres, de vieillir, de mourir, d’être remarqué pour ses défauts, de ne pas être remarqué pour ses qualités, de n’être remarqué ni pour ses défauts ni pour ses qualités.
Il respira profondément, s’assit sur le bastingage du yacht, dos à la mer, et il regarda le ciel bleu encore une fois. Alors, lentement, il laissa son corps tomber dans l’océan. Le choc de l’entrée dans l’eau l’éveilla à une nouvelle réalité. Maintenant il n’entendait plus que sa propre respiration à travers le tube à oxygène relié aux bouteilles de plongée. Le ciel bleu, la femme en bikini blanc sur le pont, les marins qui le regardaient à une distance respectueuse, la terreur sur la plage, tout cela avait disparu.
Il était maintenant entouré par un monde fantastique, les récifs de corail qui semblaient taillés par la main d’un grand sculpteur, les poissons de toutes les couleurs qui se promenaient au milieu, la lumière du crépuscule pénétrant dans l’eau, ses rayons se déplaçant sous l’effet du mouvement de l’océan à la surface.
Il regarda sa montre. Elle était faite pour résister aux très fortes pressions, les aiguilles se terminaient en angle droit, la bande blanche marquant quinze minutes. Il avait choisi la meilleure et il respectait ce que disaient ses aiguilles, parce que, au fond de la mer, le temps paraît différent, et cela peut signifier la différence entre la vie et la mort. Il avait déjà perdu des amis qui pensaient toujours « pouvoir rester encore un peu » ou « descendre encore quelques mètres de plus ». L’océan était implacable avec ceux qui n’obéissaient pas à ses règles, et la mort venait, selon un survivant, d’une manière douce.
Il se rappela ce que lui avait raconté le survivant : « La sensation d’asphyxie n’existe pas ; tout ce que j’ai ressenti, ce fut une immense envie de dormir, rien de plus ». Il avait été sauvé par un autre plongeur, qui avait remarqué un phénomène bizarre. Les médecins appellent cela narcose : comme le contenu de la bouteille de plongée est fait d’une bonne dose d’un gaz appelé nitrogène, à mesure que la profondeur augmente, des effets semblables à l’ivresse alcoolique commencent à se manifester, rapidement suivis de la désorientation et du sommeil.
L’une des règles non écrites de ceux qui s’aventuraient au fond de la mer était justement celle-là : ne sois jamais seul, ne te fie pas à ton instinct ou à ta logique. Mais aujourd’hui il est là, sans aucune compagnie, et s’il mourait maintenant, quelle différence cela ferait-il pour le monde ?
Aucune.
Il resta le plus longtemps possible en compagnie des poissons et du silence, des récifs de corail et des rayons de lumière qui se déplaçaient, des herbes sous-marines agitées par les courants et des bancs de poissons qui passaient au-dessus comme si c’étaient des nuages recouvrant le soleil. Il descendit jusqu’à trente mètres de profondeur, nagea un peu, consulta de nouveau sa montre. S’il restait un peu plus, l’air des bouteilles descendrait bientôt à un niveau critique et il serait forcé de remonter très rapidement. Il devrait remonter à la surface lentement, pas plus de neuf mètres par minute, ou bien des bulles d’air se formeraient dans son sang, ce qui provoquerait une embolie cérébrale, et la mort. La mort, de nouveau la mort.
Il était maintenant entouré par un monde fantastique, les récifs de corail qui semblaient taillés par la main d’un grand sculpteur, les poissons de toutes les couleurs qui se promenaient au milieu, la lumière du crépuscule pénétrant dans l’eau, ses rayons se déplaçant sous l’effet du mouvement de l’océan à la surface.
Il regarda sa montre. Elle était faite pour résister aux très fortes pressions, les aiguilles se terminaient en angle droit, la bande blanche marquant quinze minutes. Il avait choisi la meilleure et il respectait ce que disaient ses aiguilles, parce que, au fond de la mer, le temps paraît différent, et cela peut signifier la différence entre la vie et la mort. Il avait déjà perdu des amis qui pensaient toujours « pouvoir rester encore un peu » ou « descendre encore quelques mètres de plus ». L’océan était implacable avec ceux qui n’obéissaient pas à ses règles, et la mort venait, selon un survivant, d’une manière douce.
Il se rappela ce que lui avait raconté le survivant : « La sensation d’asphyxie n’existe pas ; tout ce que j’ai ressenti, ce fut une immense envie de dormir, rien de plus ». Il avait été sauvé par un autre plongeur, qui avait remarqué un phénomène bizarre. Les médecins appellent cela narcose : comme le contenu de la bouteille de plongée est fait d’une bonne dose d’un gaz appelé nitrogène, à mesure que la profondeur augmente, des effets semblables à l’ivresse alcoolique commencent à se manifester, rapidement suivis de la désorientation et du sommeil.
L’une des règles non écrites de ceux qui s’aventuraient au fond de la mer était justement celle-là : ne sois jamais seul, ne te fie pas à ton instinct ou à ta logique. Mais aujourd’hui il est là, sans aucune compagnie, et s’il mourait maintenant, quelle différence cela ferait-il pour le monde ?
Aucune.
Il resta le plus longtemps possible en compagnie des poissons et du silence, des récifs de corail et des rayons de lumière qui se déplaçaient, des herbes sous-marines agitées par les courants et des bancs de poissons qui passaient au-dessus comme si c’étaient des nuages recouvrant le soleil. Il descendit jusqu’à trente mètres de profondeur, nagea un peu, consulta de nouveau sa montre. S’il restait un peu plus, l’air des bouteilles descendrait bientôt à un niveau critique et il serait forcé de remonter très rapidement. Il devrait remonter à la surface lentement, pas plus de neuf mètres par minute, ou bien des bulles d’air se formeraient dans son sang, ce qui provoquerait une embolie cérébrale, et la mort. La mort, de nouveau la mort.
Quand il regagna le pont, il but un verre de champagne, échangea quelques mots avec la femme en bikini blanc et demanda au commandant de descendre le canot pneumatique ; il allait retourner sur la plage. Pourquoi cette sensation de tristesse qui le poursuivait depuis quelques mois ?
Il avait tout ce dont un homme peut rêver : l’argent, la santé, un travail qu’il aimait, des appartements dans les plus grandes villes du monde, une maison immense sur cette plage de rêve, un bateau que tout le monde lui enviait. Il avait fait des études dans les plus grandes universités, parlait plusieurs langues. Il avait déjà souffert par amour, mais la blessure avait cicatrisé depuis longtemps, et aujourd’hui son ex-femme et lui étaient de grands amis. Il était père de deux enfants merveilleux, qui étaient à l’université.
Il avait tout, ou il croyait qu’il avait tout. Jusqu’au jour où, se promenant dans une des grandes villes où il se rendait souvent dans son jet privé, il faillit être renversé par un autobus qui venait à contresens (en réalité, dans cette ville, toute la circulation venait à contresens, et il était habitué à regarder toujours vers l’autre côté). Cela lui était déjà arrivé. Mais sans aucune raison particulière, il prit conscience cet après-midi-là d’une chose à laquelle il n’avait jamais pensé. Il allait mourir un jour.
Il descendit avec la femme en blanc et un marin jusqu’au canot pneumatique qui les conduirait à la plage. Il demanda qu’on le laisse près des rochers et qu’on emmène sa compagne jusqu’à la maison au bord de la mer ; il irait à pied, il avait besoin de rester seul. Les gens assistaient au coucher du soleil, et il commença à marcher parmi eux, essayant d’éloigner ses pensées macabres de son esprit et de voir la beauté autour, mais il ne parvenait pas à se libérer de l’obsession qui depuis six mois s’emparait de lui dans les moments les plus beaux et les plus tranquilles.
Tôt ou tard, tout autour de lui allait disparaître. C’est curieux, tout le monde sait qu’il va mourir un jour –mais personne, absolument personne n’y pense. Tout ce qu’il avait acquis à la sueur de son front, par tant d’honnête travail (même si des jaloux répétaient avec insistance que les riches ne gagnent de l’argent que par la malhonnêteté et la corruption), allait disparaître un jour.
Peut-être avait-il besoin de consulter un psychiatre : depuis le quasi-accident, il était possédé par le démon de la peur. Bien sûr, la conscience de la mort avait un bon côté : il profitait de chaque moment comme si c’était le dernier. Il tâchait de vivre toutes les grâces que Dieu lui avait offertes. Avant de plonger cet après-midi-là, il était angoissé par la terreur qu’il avait vue chez toutes les personnes présentes sur la plage, mais dès qu’il était entré dans l’eau et dans un univers différent, il était devenu les poissons, les rayons de soleil, les récifs de corail.
On ne peut pas économiser la grâce. Il n’existe aucune banque où nous déposerions les grâces reçues pour les utiliser selon nos envies. S’il ne jouissait pas de ces bénédictions, il les perdrait irrémédiablement. Mais maintenant qu’il était revenu à sa « réalité », cette pensée lui revenait aussi. Il aperçut l’église près d’un rocher : on disait qu’elle avait été construite voilà très longtemps par les épouses de pêcheurs qui venaient prier là chaque fois que leurs maris et leurs fils partaient en mer.
Il avait tout ce dont un homme peut rêver : l’argent, la santé, un travail qu’il aimait, des appartements dans les plus grandes villes du monde, une maison immense sur cette plage de rêve, un bateau que tout le monde lui enviait. Il avait fait des études dans les plus grandes universités, parlait plusieurs langues. Il avait déjà souffert par amour, mais la blessure avait cicatrisé depuis longtemps, et aujourd’hui son ex-femme et lui étaient de grands amis. Il était père de deux enfants merveilleux, qui étaient à l’université.
Il avait tout, ou il croyait qu’il avait tout. Jusqu’au jour où, se promenant dans une des grandes villes où il se rendait souvent dans son jet privé, il faillit être renversé par un autobus qui venait à contresens (en réalité, dans cette ville, toute la circulation venait à contresens, et il était habitué à regarder toujours vers l’autre côté). Cela lui était déjà arrivé. Mais sans aucune raison particulière, il prit conscience cet après-midi-là d’une chose à laquelle il n’avait jamais pensé. Il allait mourir un jour.
Il descendit avec la femme en blanc et un marin jusqu’au canot pneumatique qui les conduirait à la plage. Il demanda qu’on le laisse près des rochers et qu’on emmène sa compagne jusqu’à la maison au bord de la mer ; il irait à pied, il avait besoin de rester seul. Les gens assistaient au coucher du soleil, et il commença à marcher parmi eux, essayant d’éloigner ses pensées macabres de son esprit et de voir la beauté autour, mais il ne parvenait pas à se libérer de l’obsession qui depuis six mois s’emparait de lui dans les moments les plus beaux et les plus tranquilles.
Tôt ou tard, tout autour de lui allait disparaître. C’est curieux, tout le monde sait qu’il va mourir un jour –mais personne, absolument personne n’y pense. Tout ce qu’il avait acquis à la sueur de son front, par tant d’honnête travail (même si des jaloux répétaient avec insistance que les riches ne gagnent de l’argent que par la malhonnêteté et la corruption), allait disparaître un jour.
Peut-être avait-il besoin de consulter un psychiatre : depuis le quasi-accident, il était possédé par le démon de la peur. Bien sûr, la conscience de la mort avait un bon côté : il profitait de chaque moment comme si c’était le dernier. Il tâchait de vivre toutes les grâces que Dieu lui avait offertes. Avant de plonger cet après-midi-là, il était angoissé par la terreur qu’il avait vue chez toutes les personnes présentes sur la plage, mais dès qu’il était entré dans l’eau et dans un univers différent, il était devenu les poissons, les rayons de soleil, les récifs de corail.
On ne peut pas économiser la grâce. Il n’existe aucune banque où nous déposerions les grâces reçues pour les utiliser selon nos envies. S’il ne jouissait pas de ces bénédictions, il les perdrait irrémédiablement. Mais maintenant qu’il était revenu à sa « réalité », cette pensée lui revenait aussi. Il aperçut l’église près d’un rocher : on disait qu’elle avait été construite voilà très longtemps par les épouses de pêcheurs qui venaient prier là chaque fois que leurs maris et leurs fils partaient en mer.
Sous le coup d’une impulsion, il décida de s’y rendre : la porte était peut-être fermée, mais au moins il aurait une vue sur la mer et sur son yacht au milieu des eaux tranquilles, avec pour cadre le soleil qui descendait rapidement sur l’horizon. Mais la porte était ouverte, et le temple complètement vide. Il entra, vit une image de la Vierge au centre de l’autel. Une plaque disait que c’était Notre Dame de Nazareth, patronne des pêcheurs.
À côté il y avait un livre, et il savait que c’était une Bible. Il commença à le feuilleter et l’ouvrit à une page qui contenait un passage curieux ; la lumière était déjà faible, il n’avait pas apporté ses lunettes, de sorte qu’il ne parvint à lire que quelques mots :
Il y a un moment pour tout,
et un temps pour chaque chose sous le ciel :
un temps pour naître et un temps pour mourir,
un temps pour planter et un temps pour arracher le plant.
Le soleil se couchait très vite, l’obscurité descendait et pénétrait dans le temple. Il ne put lire les phrases suivantes, mais il voulait savoir ce qui était écrit à la fin du texte. À grand peine, il réussit à distinguer encore une ligne :
Un temps pour pleurer et un temps pour rire ;
un temps pour se lamenter et un temps pour danser.
Il était tellement concentré sur sa lecture qu’il sursauta quand il entendit une voix près de lui : « Je savais que vous viendriez un jour nous rendre visite. » C’était le curé du coin, qui ne devait pas avoir plus de trente ans. « Et ce n’est certainement pas par hasard. Les gens comme vous n’entrent pas dans une église par hasard. »
Maintenant l’église était pratiquement dans l’obscurité. Le prêtre alla jusqu’à l’autel et alluma quelques cierges. Il s’assit sur le premier banc et invita le visiteur à en faire de même. Il obéit, content du silence qui ressemblait à celui du fond de la mer : il n’entendait que sa respiration. Et soudain, sans la moindre explication, toute cette tension accumulée pendant des mois monta à la surface : il pleura un temps qui paraissait infini. Quand il s’arrêta, il demanda s’il pouvait se confesser –ainsi pourrait-il dire tout ce qu’il ressentait et qu’il avait honte de
raconter à d’autres.
Le prêtre accepta. Plutôt que de confier ses nombreux péchés, il commença à parler de la peur de la mort. À la fin, le prêtre lui donna l’absolution d’usage.
« Pourquoi m’avez-vous absous ? Je n’ai rien confessé. »
« Si, vous avez confessé votre peur de vivre. »
« De vivre ? »
« Oui, de vivre. Je vous absous de ce péché. Et en pénitence, vous devrez écouter une histoire. Regardez à votre droite : là se trouve l’image de Jésus crucifié. Lui aussi a eu peur de mourir, vous ne le saviez pas ? Il a demandé à son Père qu’il éloigne de sa bouche ce calice. Cloué sur la croix, il a crié de tous ses poumons : ‹Pourquoi m’as-tu abandonné ?› »
Il n’y avait jamais pensé. Jésus ayant peur de mourir. Il se prépara à entendre un discours sur la manière dont les chrétiens affrontent la mort –il avait appris tout cela au collège. Mais la confession, le fait de parler pour la première fois ouvertement de ce qui l’oppressait depuis si longtemps semblait avoir retiré une partie du poids qu’il portait dans son âme. Par respect pour l’homme qui était à côté de lui, il se prépara à entendre un sermon.
Le prêtre ne fit aucun commentaire sur la Bible, le Paradis Céleste, la vie au-delà de la vie. Il commença par une question :
« Avez-vous déjà entendu parler de Rûmî ? »
« Jamais. »
« C’est un poète classique, si vous voulez en savoir davantage sur lui, allez voir dans un livre. Mais il raconte dans un de ses contes qu’un jour, dans un village du nord de l’Iran actuel, apparut un homme qui racontait des histoires merveilleuses au sujet d’un arbre dont les fruits donnaient l’immortalité à ceux qui les mangeaient.
La nouvelle parvint bientôt aux oreilles du roi, mais avant qu’il ait pu demander où était situé exactement ce prodige de la nature, le voyageur était déjà parti. Cependant le roi était bien décidé à devenir immortel, car il voulait avoir assez de temps pour faire de son royaume un exemple pour tous les peuples du monde. Dans sa jeunesse, il avait rêvé de faire disparaître la pauvreté, d’enseigner la justice, de nourrir chacun de ses sujets, mais il s’était vite rendu compte que ce travail prendrait plus qu’une génération. Alors, il appela l’homme le plus courageux de sa cour et le chargea de trouver l’arbre. L’homme partit le lendemain, muni d’assez d’argent pour obtenir des informations, de la nourriture et tout le nécessaire pour atteindre son but. Il parcourut des villes, des plaines, des montagnes, posant des questions et offrant des récompenses.
Les honnêtes gens disaient que cet arbre n’existait pas, les cyniques faisaient preuve d’un respect ironique et des escrocs finissaient par l’envoyer dans des coins reculés, à seule fin d’obtenir quelques pièces en échange. Après bien des déceptions, l’homme décida de renoncer à sa recherche ; bien qu’il eût une immense admiration pour son souverain, il allait rentrer les mains vides. Il savait qu’il y perdrait son honneur, mais il était fatigué et convaincu que le fameux arbre n’était que l’invention d’un voyageur qui se plaisait à raconter des histoires.
Sur le chemin du retour, gravissant une petite colline, il se souvint que là vivait un sage. Et il pensa : « Je n’ai plus l’espoir de trouver ce que je voulais, mais je peux au moins lui demander sa bénédiction et l’implorer de prier pour moi ».
Quand il arriva devant le sage, n’en pouvant plus, il éclata en sanglots, comme vous l’avez fait aujourd’hui. « Le roi m’a chargé de trouver un arbre qui est unique au monde, dit-il. Son fruit nous fait vivre toujours. J’ai toujours accompli ma tâche avec loyauté et courage, mais cette fois je reviens sans rien ».
Le sage se mit à rire. « Ce que vous cherchez existe, et c’est fait de l’eau de la Vie qui provient de l’océan infini de Dieu. Votre erreur a été de chercher une forme, avec un nom. Parfois cela s’appelle « arbre », d’autres fois «soleil», d’autres fois « nuage », et l’on peut lui donner le nom de tout ce qui existe sur la Terre. Mais pour trouver ce fruit, il faut renoncer à la forme et chercher le contenu.
Tout ce qui contient la présence de la Création est éternel en soi. Rien ne peut être détruit ; quand notre coeur cesse de battre, notre essence se transforme encore en la nature environnante. Nous pouvons devenir des arbres, des gouttes de pluie, des plantes, ou même un autre être humain.
Pourquoi nous arrêter au mot « arbre », et oublier que nous sommes immortels ? Nous renaissons toujours dans nos enfants, dans l’amour que nous manifestons envers le monde, dans chacun des gestes de générosité et de charité que nous faisons. Rentrez dire au roi qu’il n’a pas besoin de se soucier de trouver le fruit d’un arbre magique ; chaque position et chaque décision qu’il prendra désormais restera pour des générations. Demandez-lui donc d’être juste avec son peuple ; s’il fait son travail avec dévouement, personne ne l’oubliera, son exemple influencera l’histoire et encouragera ses fils et petits-fils à agir toujours le mieux possible. Et dites-lui encore ceci : celui qui cherche seulement un nom restera toujours attaché à l’apparence, sans jamais découvrir le mystère caché des choses et le miracle de la vie.
Tous les combats que nous affrontons ont pour cause des noms : propriété, jalousie, richesse, immortalité. Mais quand nous oublierons le nom et chercherons la réalité qui se cache derrière les mots, nous aurons tout ce que nous désirons –et en outre nous aurons la paix de l’esprit ».
Le prêtre ne dit plus rien. Il se leva et entra par une porte à gauche de l’autel. L’homme resta encore un moment dans l’église, regardant les cierges qui semblaient briller de plus en plus. Lorsqu’il sortit et prit le chemin de chez lui, son coeur commençait à se transformer. Bien qu’il fît déjà noir, il savait qu’à sa gauche se trouvait une profonde mer bleue. Devant lui, brillaient les lumières du village qui était devenu une ville. Mais son regard était concentré sur son âme, et là il y avait un autre océan, infini, éternel, immortel, et sans nom.
À côté il y avait un livre, et il savait que c’était une Bible. Il commença à le feuilleter et l’ouvrit à une page qui contenait un passage curieux ; la lumière était déjà faible, il n’avait pas apporté ses lunettes, de sorte qu’il ne parvint à lire que quelques mots :
Il y a un moment pour tout,
et un temps pour chaque chose sous le ciel :
un temps pour naître et un temps pour mourir,
un temps pour planter et un temps pour arracher le plant.
Le soleil se couchait très vite, l’obscurité descendait et pénétrait dans le temple. Il ne put lire les phrases suivantes, mais il voulait savoir ce qui était écrit à la fin du texte. À grand peine, il réussit à distinguer encore une ligne :
Un temps pour pleurer et un temps pour rire ;
un temps pour se lamenter et un temps pour danser.
Il était tellement concentré sur sa lecture qu’il sursauta quand il entendit une voix près de lui : « Je savais que vous viendriez un jour nous rendre visite. » C’était le curé du coin, qui ne devait pas avoir plus de trente ans. « Et ce n’est certainement pas par hasard. Les gens comme vous n’entrent pas dans une église par hasard. »
Maintenant l’église était pratiquement dans l’obscurité. Le prêtre alla jusqu’à l’autel et alluma quelques cierges. Il s’assit sur le premier banc et invita le visiteur à en faire de même. Il obéit, content du silence qui ressemblait à celui du fond de la mer : il n’entendait que sa respiration. Et soudain, sans la moindre explication, toute cette tension accumulée pendant des mois monta à la surface : il pleura un temps qui paraissait infini. Quand il s’arrêta, il demanda s’il pouvait se confesser –ainsi pourrait-il dire tout ce qu’il ressentait et qu’il avait honte de
raconter à d’autres.
Le prêtre accepta. Plutôt que de confier ses nombreux péchés, il commença à parler de la peur de la mort. À la fin, le prêtre lui donna l’absolution d’usage.
« Pourquoi m’avez-vous absous ? Je n’ai rien confessé. »
« Si, vous avez confessé votre peur de vivre. »
« De vivre ? »
« Oui, de vivre. Je vous absous de ce péché. Et en pénitence, vous devrez écouter une histoire. Regardez à votre droite : là se trouve l’image de Jésus crucifié. Lui aussi a eu peur de mourir, vous ne le saviez pas ? Il a demandé à son Père qu’il éloigne de sa bouche ce calice. Cloué sur la croix, il a crié de tous ses poumons : ‹Pourquoi m’as-tu abandonné ?› »
Il n’y avait jamais pensé. Jésus ayant peur de mourir. Il se prépara à entendre un discours sur la manière dont les chrétiens affrontent la mort –il avait appris tout cela au collège. Mais la confession, le fait de parler pour la première fois ouvertement de ce qui l’oppressait depuis si longtemps semblait avoir retiré une partie du poids qu’il portait dans son âme. Par respect pour l’homme qui était à côté de lui, il se prépara à entendre un sermon.
Le prêtre ne fit aucun commentaire sur la Bible, le Paradis Céleste, la vie au-delà de la vie. Il commença par une question :
« Avez-vous déjà entendu parler de Rûmî ? »
« Jamais. »
« C’est un poète classique, si vous voulez en savoir davantage sur lui, allez voir dans un livre. Mais il raconte dans un de ses contes qu’un jour, dans un village du nord de l’Iran actuel, apparut un homme qui racontait des histoires merveilleuses au sujet d’un arbre dont les fruits donnaient l’immortalité à ceux qui les mangeaient.
La nouvelle parvint bientôt aux oreilles du roi, mais avant qu’il ait pu demander où était situé exactement ce prodige de la nature, le voyageur était déjà parti. Cependant le roi était bien décidé à devenir immortel, car il voulait avoir assez de temps pour faire de son royaume un exemple pour tous les peuples du monde. Dans sa jeunesse, il avait rêvé de faire disparaître la pauvreté, d’enseigner la justice, de nourrir chacun de ses sujets, mais il s’était vite rendu compte que ce travail prendrait plus qu’une génération. Alors, il appela l’homme le plus courageux de sa cour et le chargea de trouver l’arbre. L’homme partit le lendemain, muni d’assez d’argent pour obtenir des informations, de la nourriture et tout le nécessaire pour atteindre son but. Il parcourut des villes, des plaines, des montagnes, posant des questions et offrant des récompenses.
Les honnêtes gens disaient que cet arbre n’existait pas, les cyniques faisaient preuve d’un respect ironique et des escrocs finissaient par l’envoyer dans des coins reculés, à seule fin d’obtenir quelques pièces en échange. Après bien des déceptions, l’homme décida de renoncer à sa recherche ; bien qu’il eût une immense admiration pour son souverain, il allait rentrer les mains vides. Il savait qu’il y perdrait son honneur, mais il était fatigué et convaincu que le fameux arbre n’était que l’invention d’un voyageur qui se plaisait à raconter des histoires.
Sur le chemin du retour, gravissant une petite colline, il se souvint que là vivait un sage. Et il pensa : « Je n’ai plus l’espoir de trouver ce que je voulais, mais je peux au moins lui demander sa bénédiction et l’implorer de prier pour moi ».
Quand il arriva devant le sage, n’en pouvant plus, il éclata en sanglots, comme vous l’avez fait aujourd’hui. « Le roi m’a chargé de trouver un arbre qui est unique au monde, dit-il. Son fruit nous fait vivre toujours. J’ai toujours accompli ma tâche avec loyauté et courage, mais cette fois je reviens sans rien ».
Le sage se mit à rire. « Ce que vous cherchez existe, et c’est fait de l’eau de la Vie qui provient de l’océan infini de Dieu. Votre erreur a été de chercher une forme, avec un nom. Parfois cela s’appelle « arbre », d’autres fois «soleil», d’autres fois « nuage », et l’on peut lui donner le nom de tout ce qui existe sur la Terre. Mais pour trouver ce fruit, il faut renoncer à la forme et chercher le contenu.
Tout ce qui contient la présence de la Création est éternel en soi. Rien ne peut être détruit ; quand notre coeur cesse de battre, notre essence se transforme encore en la nature environnante. Nous pouvons devenir des arbres, des gouttes de pluie, des plantes, ou même un autre être humain.
Pourquoi nous arrêter au mot « arbre », et oublier que nous sommes immortels ? Nous renaissons toujours dans nos enfants, dans l’amour que nous manifestons envers le monde, dans chacun des gestes de générosité et de charité que nous faisons. Rentrez dire au roi qu’il n’a pas besoin de se soucier de trouver le fruit d’un arbre magique ; chaque position et chaque décision qu’il prendra désormais restera pour des générations. Demandez-lui donc d’être juste avec son peuple ; s’il fait son travail avec dévouement, personne ne l’oubliera, son exemple influencera l’histoire et encouragera ses fils et petits-fils à agir toujours le mieux possible. Et dites-lui encore ceci : celui qui cherche seulement un nom restera toujours attaché à l’apparence, sans jamais découvrir le mystère caché des choses et le miracle de la vie.
Tous les combats que nous affrontons ont pour cause des noms : propriété, jalousie, richesse, immortalité. Mais quand nous oublierons le nom et chercherons la réalité qui se cache derrière les mots, nous aurons tout ce que nous désirons –et en outre nous aurons la paix de l’esprit ».
Le prêtre ne dit plus rien. Il se leva et entra par une porte à gauche de l’autel. L’homme resta encore un moment dans l’église, regardant les cierges qui semblaient briller de plus en plus. Lorsqu’il sortit et prit le chemin de chez lui, son coeur commençait à se transformer. Bien qu’il fît déjà noir, il savait qu’à sa gauche se trouvait une profonde mer bleue. Devant lui, brillaient les lumières du village qui était devenu une ville. Mais son regard était concentré sur son âme, et là il y avait un autre océan, infini, éternel, immortel, et sans nom.
Biographie des auteurs...
Manfred Fritz
Manfred Fritz est originaire de la région frontalière germano-suisse, près de Schaffhausen. La zone linguistique alémanique et l’environnement intellectuel et culturel d’IWC Schaffhausen lui sont familiers depuis l’enfance. Journaliste et rédacteur en chef d’un quotidien allemand, son intérêt pour les montres et la mesure du temps lui a déjà valu de nombreuses publications, dont un ouvrage paru en 1991, La Grande Complication d’IWC. Il compte parmi les plus grands spécialistes de l’horlogerie et d’IWC Schaffhausen et accompage depuis des années le travail de la manufacture sur le plan publicitaire. Agé de 64 ans, Manfred Fritz vit aujourd’hui à Heidelberg.
Paulo Coelho
Paulo Coelho est un auteur brésilien né en 1947 à Rio de Janeiro. Avant de se consacrer exclusivement à la littérature, il a été directeur de théâtre, parolier et journaliste. En 1986, Paulo Coelho fait le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, une expérience qui donnera la matière à un premier livre, Le Pèlerin de Compostelle. L’année suivante, il publie L’Alchimiste. Mais les ventes ne décollent pas tout de suite, et son premier éditeur laisse tomber le roman qui va pourtant devenir l’une des meilleures ventes de l’histoire. Parmi ses autres titres, citons Brida (1990), The Valkyries (1992), Sur le bord de la rivière Piedra je me suis assise et j’ai pleuré (1994), La Cinquième Montagne (1996), Manuel du guerrier de la lumière (1997), Veronika décide de mourir (1998), Le Démon et mademoiselle Prym (2000), La Compilation de légendes traditionnelles sous forme d’histoires pour les parents, les enfants et les petits-enfants (2001), Onze minutes (2003), Le Zahir (2005), La Sorcière de Portobello (2006), La Solitude du vainqueur (2008). Son oeuvre a été traduite dans 69 langues et publiée dans plus de 150 pays, et il figure actuellement dans le Livre Guinness des Records au titre d’auteur vivant le plus traduit dans le monde.
Enki Bilal
Enki Bilal publie sa première histoire en 1972, Le Bol maudit, dans le journal Pilote. Son premier album, La Croisière des Oubliés, sur un scénario de Pierre Christin paraît en 1975 aux Humanoïdes Associés. Avec le même scénariste, il signera entre autres Les Phalanges de l’Ordre Noir (1979) et Partie de Chasse (1983) chez Dargaud. C’est en 1980 qu’il débute dans Pilote la trilogie Nikopol, qui lui apportera la reconnaissance du public et des critiques. En 1987, il reçoit le grand prix du festival d’Angoulême. En 1998, le premier volume de sa nouvelle trilogie Le Sommeil du Monstre paraît, suivit en 2003 par 32 décembre. Enki Bilal s’intéresse aussi au cinéma, il a réalisé en 1989 son premier long métrage: Bunker Palace Hôtel. Tykho Moon en 1997 et Immortel en 2004 (libre adaptation de son album La Foire aux Immortels), témoignent de sa passion pour le 7e art. Il vit aujourd’hui à Paris.
Manfred Fritz est originaire de la région frontalière germano-suisse, près de Schaffhausen. La zone linguistique alémanique et l’environnement intellectuel et culturel d’IWC Schaffhausen lui sont familiers depuis l’enfance. Journaliste et rédacteur en chef d’un quotidien allemand, son intérêt pour les montres et la mesure du temps lui a déjà valu de nombreuses publications, dont un ouvrage paru en 1991, La Grande Complication d’IWC. Il compte parmi les plus grands spécialistes de l’horlogerie et d’IWC Schaffhausen et accompage depuis des années le travail de la manufacture sur le plan publicitaire. Agé de 64 ans, Manfred Fritz vit aujourd’hui à Heidelberg.
Paulo Coelho
Paulo Coelho est un auteur brésilien né en 1947 à Rio de Janeiro. Avant de se consacrer exclusivement à la littérature, il a été directeur de théâtre, parolier et journaliste. En 1986, Paulo Coelho fait le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, une expérience qui donnera la matière à un premier livre, Le Pèlerin de Compostelle. L’année suivante, il publie L’Alchimiste. Mais les ventes ne décollent pas tout de suite, et son premier éditeur laisse tomber le roman qui va pourtant devenir l’une des meilleures ventes de l’histoire. Parmi ses autres titres, citons Brida (1990), The Valkyries (1992), Sur le bord de la rivière Piedra je me suis assise et j’ai pleuré (1994), La Cinquième Montagne (1996), Manuel du guerrier de la lumière (1997), Veronika décide de mourir (1998), Le Démon et mademoiselle Prym (2000), La Compilation de légendes traditionnelles sous forme d’histoires pour les parents, les enfants et les petits-enfants (2001), Onze minutes (2003), Le Zahir (2005), La Sorcière de Portobello (2006), La Solitude du vainqueur (2008). Son oeuvre a été traduite dans 69 langues et publiée dans plus de 150 pays, et il figure actuellement dans le Livre Guinness des Records au titre d’auteur vivant le plus traduit dans le monde.
Enki Bilal
Enki Bilal publie sa première histoire en 1972, Le Bol maudit, dans le journal Pilote. Son premier album, La Croisière des Oubliés, sur un scénario de Pierre Christin paraît en 1975 aux Humanoïdes Associés. Avec le même scénariste, il signera entre autres Les Phalanges de l’Ordre Noir (1979) et Partie de Chasse (1983) chez Dargaud. C’est en 1980 qu’il débute dans Pilote la trilogie Nikopol, qui lui apportera la reconnaissance du public et des critiques. En 1987, il reçoit le grand prix du festival d’Angoulême. En 1998, le premier volume de sa nouvelle trilogie Le Sommeil du Monstre paraît, suivit en 2003 par 32 décembre. Enki Bilal s’intéresse aussi au cinéma, il a réalisé en 1989 son premier long métrage: Bunker Palace Hôtel. Tykho Moon en 1997 et Immortel en 2004 (libre adaptation de son album La Foire aux Immortels), témoignent de sa passion pour le 7e art. Il vit aujourd’hui à Paris.
Manfred Fritz, Paulo Coelho, Enki Bilal : « IWC Schaffhausen. Engineering Time since 1868 »
Quelque 550 pages et 500 illustrations, « livre dans le livre » avec nouvelles de Paulo Coelho, illustrées par Enki Bilal.
Prix CHF 250.–
Edition anglaise: ISBN 978-3-7165-1631-7
Edition française: ISBN 978-3-7165-1632-4
Edition allemande: ISBN 978-3-7165-1630-0
Disponible dès la fin avril 2010 sur www.iwc.com et en librairie, réservations possibles dès maintenant.
Quelque 550 pages et 500 illustrations, « livre dans le livre » avec nouvelles de Paulo Coelho, illustrées par Enki Bilal.
Prix CHF 250.–
Edition anglaise: ISBN 978-3-7165-1631-7
Edition française: ISBN 978-3-7165-1632-4
Edition allemande: ISBN 978-3-7165-1630-0
Disponible dès la fin avril 2010 sur www.iwc.com et en librairie, réservations possibles dès maintenant.