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L'actualité des montres de luxe et des marques horlogères de prestige

Montblanc, rencontre avec Jérôme Lambert


Jérôme Lambert à la tête de Montblanc depuis 2013, nous accorde, à l’occasion des 110 ans de la marque, un entretien où il aborde les trois métiers de la maison : les stylographes, l’horlogerie et la maroquinerie. Trois métiers radicalement différents mais liés par le sens du luxe et de la perfection.



Joël Chassaing-Cuvillier : Il y a quelques mois, vous avez indiqué que la production horlogère de Montblanc approchait les 100.000 pièces. Entre Le Locle et Villeret, comment se répartit cette production ?
Jérôme Lambert : Nous approchons effectivement ce chiffre de très près mais nous n’y sommes pas encore. Villeret ne représente que 40 montres par an. En écriture nous sommes le leader mondial.
 
J.C.C. : En janvier 2015 vous avez  présenté la TimeWalker Urban  Speed. Quel est le bilan de ce modèle. Est-ce un premier pas vers un produit digital dont les fonctions seraient intégrées à la boîte ?
J.L. : Le mariage de cette ligne historique avec un bracelet digital a offert une meilleure visibilité à ce modèle. Il s’agit d’un produit technique et nous sommes contents des résultats. En revanche, il n’est pas prévu de concevoir une montre aux fonctions intégrées. Cela ne nous empêche pas de faire progresser les fonctions traditionnelles de nos montres.  Quant aux ventes du bracelet, il faut savoir que chez nous, pour qu’un produit existe, il doit faire au moins 5% de sa catégorie. On parle donc de 5 à 10 000 pièces.
 
J.C.C. : Ce type de montre digitale est-il compatible avec l’actuelle notion de luxe ?
J.L. : Pour les bracelets, oui. Les accessoires ont toujours fait partie de la visibilité d’une montre, surtout si l’on voit le succès actuel des bracelets Nato. Cela rajeunit l’horlogerie classique. En revanche, si la montre digitale est compatible avec le luxe, il s’agit juste d’une fonction technologique portée sur un poignet.
 
J.C.C. : Que doit apporter en plus un horloger suisse en matière de montre connectée pour se différencier des marques électroniques dont les produits sont dans la fourchette des 300 $ ?
J.L. : Chez Montblanc, nous ne faisons pas de montres digitales, donc il est difficile de parler d’un choix que nous n’avons pas fait. Néanmoins, je pense que l’approche est radicalement différente. Le support est totalement différent tout comme les codes traditionnels. La légitimité des horlogers suisses peut se faire sur le choix des matériaux, sur l’esthétique, sur le choix des réseaux de distribution et la qualité du conseil. C’est sur ces axes que l’horlogerie suisse peut faire la différence.
 
J.C.C. : Pensez-vous porter la garantie de vos montres à 5 ans ?
J.L. : Nous avons une garantie de deux ans et je pense que les problématiques des marques sont toutes différentes. Notre garantie est liée à trois catégories de produits et je ne m’imagine pas appliquer une garantie différente pour les montres, les stylos ou les cuirs. Les taux de retour en stylo par exemple sont quatre à cinq fois inférieurs à ceux de l’horlogerie. Avoir deux garanties serait vraiment compliqué.
 
J.C.C. : Vous proposez une gamme attractive aux prix maîtrisés, y a-t-il un prix plancher imposé par la notoriété de la marque ?
J.L. : Plus qu’un prix, il y a une qualité et une définition technique. On essaie d’avoir la meilleure valeur pour un produit défini. C’est avant tout une approche de raison car nous tenons à conserver une clientèle européenne. Notre réseau est bien développé, nous avons de nombreuses boutiques en propre et nous devons avoir une offre qui permette à ces boutiques de fonctionner. Un principe que l’on doit appliquer aux stylos, avec bien sûr, des deltas différents.
 
Dans l’écriture, on fonctionne de 50 euros en 50 euros alors que dans l’horlogerie c’est plutôt de 1.000 par 1000 euros. Alors que dans l’écriture on peut considérer que 200 ou 300 euros sont des paliers, dans l’horlogerie ils sont de 2.000, 3.000 et 5.000 euros. Il y a un zéro d’écart dans la perception des prix relatifs. Cela s’applique naturellement aux cuirs en fonction de l’importance de la pièce. En horlogerie, notre première proposition est à 2.350 euros dans la ligne chronométrie pour une deux aiguilles acier automatique. Avec un mouvement à quartz, on peut descendre juste en dessous de 2.000 euros.

Montblanc, rencontre avec Jérôme Lambert
J.C.C. : A l’inverse, Montblanc peut-il se lancer dans les grandes complications (la plus chère est à 500 000 euros) et concurrencer Vacheron Constantin ?
J.L. : On fait 35 à 40 montres chaque année à Villeret et ce n’est pas avec ce volume que l’on peut faire de la concurrence à Vacheron. Notre approche est très différente. L’atelier a environ 50 personnes, on fait moins de 40 pièces et le même horloger passe environ 3 à 4 mois sur une seule montre. C’est souvent le même qui a fait le développement et qui ensuite fera le SAV. On a là un modèle similaire à ce qui se faisait il y a plus de cent ans dans les ateliers de complications. Notre différence se situe au niveau de l’inventivité des complications.
 
J.C.C. : Quels sont vos clients en haute horlogerie ?
J.L. :
Nous avons les grands collectionneurs de l’écriture qui viennent vers nous pour un bon tiers. Il s’agit de clients qui passent d’un environnement à l’autre. Ensuite, pour un autre tiers, il y a les amateurs de complications qui collectionnent toutes les marques et enfin, pour le dernier tiers, nous avons les amoureux de Minerva et de la fabrication actuelle de Villeret. C’est pour cette raison que nous conservons la signature Villeret.
 
J.C.C. : On voit apparaître des boutiques horlogères dans les outlets, est-ce une bonne chose pour l’image horlogère, ou vaut-il mieux passer par un soldeur?
J.L. :
Je pense qu’une approche structurée est mieux qu’une simple liquidation toujours imprécise. L’horlogerie a un taux de renouvellement plus rapide des gammes qui amène à ce phénomène et s’ajoute aux ralentissements conjoncturels. Il y a toujours une inertie dans ces mouvements. C’est à nous d’amortir, et non aux distributeurs. Ils n’ont pas la capacité de faire tampon d’autant que la distribution est de plus en plus sélective. Il reste moins de cent distributeurs en France alors qu’il y a en avait plus de 300 il y a dix ans.
 
J.C.C. : Le Swiss made calculé sur 60% de la valeur de la montre n’ouvre-t-il pas la porte à des pratiques douteuses ?
J.L.
: Le problème vient que cette définition n’a pas été créée par et pour l’horlogerie. La chimie, l’agro-alimentaire sont également partie prenante et l’horlogerie s’inscrit dans une négociation globale avec un consensus minimum.
 
J.C.C. : Marc Newson vient de créer un stylo pour Montblanc, le fait qu’il ait créé l’Applewatch n’est-il pas un problème ?
J.L. :
Non, Marc a beaucoup d’activités et je n’ai eu aucun problème lors des choix du projet. Cela fait partie de la règle du jeu. On profite aussi de sa signature. Il a une capacité à exprimer son style tout en respectant l’ADN de la marque.
               
J.C.C. : Le positionnement de ce stylo n’est-il pas trop élevé ?
J.L. :
Non, il se situe entre le Starwalker et le Meisterstück, sa vocation est d’être entre ces deux gammes de prix.
 
Joël Chassaing-Cuvillier

Montblanc, rencontre avec Jérôme Lambert

Montres-de-luxe.com | Publié le 4 Novembre 2016 | Lu 2335 fois






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