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Extraits d'archives Omega : entre mythes et réalités, le point avec Watchfid


Depuis près de deux ans, les extraits d’archives Omega ne sont plus disponibles, alors que la manufacture avait été l’une des premières à offrir ce type de service à sa clientèle. L’interruption de cette pratique a suscité de nombreuses interrogations parmi les aficionados de la marque, au point même de refroidir les velléités de certains quant à l’achat de modèles Omega de collection. C’est la raison pour laquelle Watchfid a souhaité faire le point sur les caractéristiques et les objectifs de ces fameux documents.



Cela faisait des années que la manufacture Omega nous avait probablement trop bien habitués.

Contrairement à de nombreuses autres marques concurrentes –et comparables, notamment en termes de volumes de production– Omega proposait, depuis le milieu des années 2000, des extraits d’archives pour les montres sorties de ses ateliers.
 
Le principe était simple : à partir de quelques informations élémentaires –une référence et un numéro de série– et d’une observation assez sommaire de la montre, il était possible de recevoir un document officiel de la marque, signé et donc validé, certifiant que le modèle présenté avait bien été produit par Omega, avec un certain nombre d’informations le concernant.
 
Watchfid a décidé de publier un article de référence sur ce sujet fondamental et, de revenir en détail sur ces différents points, de manière extrêmement factuelle et pédagogique, afin de mieux cerner les enjeux des extraits d’archives anciennement produits d’une part, et l’impact de leur absence aujourd’hui d’autre part.

Le fonctionnement des extraits d’archives
Jusqu’à récemment, la procédure permettant d’obtenir un extrait d’archives pour une montre Omega était simple.
 
Il suffisait en effet de remplir un formulaire sur le site officiel de la marque, en indiquant :
 • le nom ou une description du modèle,
 • la référence du modèle,
 • le numéro de série du mouvement.
 
Il était de plus nécessaire d’envoyer au moins 2 photos de la montre (avec la possibilité de joindre des photos complémentaires) :
 • une photo frontale permettant de voir le cadran,
 • une photo du dos de la montre.
 
Si tout était conforme, un extrait en format PDF était d’abord communiqué au client par courrier électronique, avant l’envoi du document original en format papier.
 
Avant la mise en place de cette procédure centralisée sur le site internet de la marque, il était possible de communiquer ces informations par d’autres moyens : courrier adressé directement au Siège, passage en boutique, visite au Musée à Bienne…
 
Dans tous les cas, l’objectif était toujours le même : fournir à Omega les informations indiquées ci-dessus.

Emission des extraits d’archives
Nous avons eu la chance, dans le cadre des travaux de recherche pour nos différents ouvrages, de pouvoir examiner les différents types de supports disponibles dans les archives Omega et permettant à la marque d’établir ces extraits pour le compte de ses clients.
 
Cette analyse est tout à fait fondamentale pour comprendre la façon dont sont formalisés ces documents, ainsi que la réelle signification des informations qui y sont contenues. Le seul point d’entrée pour les recherches aux archives est donc le numéro de série du mouvement.
 
Disposant de ce numéro de série, les équipes d’Omega ont la possibilité de rechercher les caractéristiques de la montre correspondante au travers de plusieurs types de supports :
• des microfilms de production,
 • des livres référençant le client (pays ou organisation) de destination et la date de livraison ; ces ouvrages très imposants, remplis à la main, datent quasiment du début de l’histoire de la manufacture,
 • des classeurs de factures comptables,
 • des systèmes informatiques de gestion à partir de la fin des années 1980.
 
A l’heure actuelle, une très grande partie de l’ensemble de ces supports a bien sûr été digitalisée.

Les seules informations liées à ce numéro de série –lorsqu’elles sont disponibles, ce qui n’est pas toujours le cas– sont :
 • le numéro de mouvement (information fournie par le client, point de départ de la recherche),
 • la référence de la montre,
 • le type de montre (montre de poignet, de poche…),
 • le modèle et certaines versions (Constellation, Seamaster, Speedmaster…),
 • le numéro, le type et la fonction du calibre,
 • le métal de la boite (ou carrure),
 • le bracelet et parfois sa référence (surtout disponible à partir des années 1970),
 • le numéro de boite (concerne surtout les montres plus anciennes, produites avant les années 1950),
 • la date de production,
 • la destination (en général un pays, ou parfois des organisations comme des forces armées, des corps diplomatiques, ou pour un usage interne).
 
En outre, certaines remarques sont possibles comme par exemple, un statut spécial (prototype), ou un numéro individuel pour certaines séries limitées, ou le nom du détaillant (parfois disponible, lorsque la montre a été livrée en Suisse notamment).
 
En revanche, dans l’immense majorité des cas, et surtout pour les montres antérieures aux années 1980 (début de l’informatisation des données), il n’est jamais fait mention, dans les documents disponibles aux archives, des types particuliers de cadrans, d’aiguilles, ou de lunettes, ni d’autres configurations particulières.

L’évolution des extraits d’archives
Nous étudions et collectionnons les modèles Omega depuis plus de 25 ans. Dans ce cadre, nous avons vu évoluer la forme et le contenu des extraits d’archives produits par la marque.
 
Si les premiers extraits d’archives émis par la marque datent de 2005, leur popularité a probablement réellement démarré avec la vente thématique Omegamania organisée conjointement par Omega et Antiquorum en 2007.
 
Les montres vendues au cours de cette vente aux enchères étaient en effet accompagnées d’un document signé par le Président d’Omega.
 
Et c’est logiquement dès l’année suivante, en 2008, que les extraits d’archives ont commencé à se développer, notamment avec des montres vendues par des marchands professionnels (les collectionneurs particuliers n’étant pas encore vraiment habitués à cette procédure).
 
Forts de l’expérience Omegamania, qui connut à l’époque un succès retentissant, contribuant à augmenter la notoriété d’Omega auprès du marché des amateurs de montres de collection d’une part, et à faire grimper sensiblement les prix des modèles vintage d’autre part, les revendeurs ont en effet immédiatement compris le bénéfice d’un tel document.
 
De son côté, il faut bien reconnaître qu’Omega fut l’une des premières marques à réaliser l’intérêt de cette démarche.
 
La forme des extraits d’archives a logiquement évolué depuis 2005. D’autres variantes ont pu être émises, avec notamment des signatures différentes : signature du Directeur du Musée, du Président, du Département Heritage, voire des doubles signatures.
 
Au-delà de la forme, il convient de noter les informations mentionnées sur ces documents, qui se retrouvent plus ou moins toujours depuis les premiers documents établis en 2005 (type de la montre, référence, calibre, numéro de série du mouvement, nom du modèle, métal de la carrure, type de bracelet, cadran, date de production, lieu de livraison).
 
Comme nous le verrons par la suite, si certaines de ces informations sont totalement fiables et indiscutables, d’autres peuvent amener un certain nombre de questions et/ou de problématiques.
 
Le rôle des extraits d’archives
L’analyse de l’ensemble des éléments précédents permet donc de comprendre très clairement l’intérêt, mais aussi les limites, de l’extrait d’archives.
 
Ce dernier permet de faire le lien entre le numéro de série du mouvement et les caractéristiques de la montre sur laquelle ce calibre était monté à sa sortie de production.
 
L’élément fondamental de tout raisonnement concernant les extraits d’archives, ou même plus généralement l’expertise d’une montre de collection Omega, est qu’il n’existe aucun moyen de tracer le lien entre un calibre, une carrure et les autres éléments constitutifs de la montre (et notamment le cadran), puisque seul le calibre porte un numéro de série (sauf à partir de 1991, lorsque ce numéro sera aussi gravé sur la carrure).
 
« L’extrait d’archives ne peut pas être, par nature, un certificat de conformité ».
 
Prenons un exemple simple : un collectionneur achète en 2023 une Speedmaster Moonwatch présentée par le vendeur comme datant des années 1970, et souhaite faire « certifier » sa montre en obtenant un extrait d’archives Omega.
 
Après avoir suivi la procédure adéquate, il va recevoir son extrait et va donc être en mesure de comprendre que :
 • le numéro de série du calibre équipant sa montre correspond à une référence ST 145.022,
 • le numéro de série correspond à un calibre à remontage manuel de type 861,
 • le cadran de la montre sortie de production avec ce calibre était noir avec des index luminescents (sans autre spécifications),
 • le bracelet de la montre sortie de production avec ce calibre était en acier,
 • la montre qui était équipée de ce calibre a été produite en Décembre 1970 et livrée en Allemagne.
 
En revanche, il n’aura aucune réponse aux questions suivantes :
 • Quelle est la sous-référence exacte (exemple : ST 145.022-69) de sa montre ?
 • Est-il certain que le calibre de sa montre n’ait jamais été échangé avec le calibre d’une montre de même référence au cours d’une manipulation quelconque (révision par exemple) ?
 • Les autres éléments constitutifs de sa montre (et principalement le cadran, la lunette, les aiguilles, la couronne, les poussoirs, le bracelet) sont-ils originaux ? Au moins, sont-ils conformes à la période de production de la montre ?
 
En un mot, sa montre est-elle conforme ?
 
Le constat est simple : l’extrait d’archives permet simplement de relier le numéro de série d’un calibre à une référence, et d’indiquer à quelle date ce calibre –et la montre sur laquelle il était monté en sortie de production– a été livré et à qui. Rien de plus, rien de moins.
 
L’extrait d’archives a donc une seule utilité bien précise :
 • faire le lien entre le numéro de série du calibre et une référence de montre,
 • connaître l’année de production et le lieu de livraison du calibre, et de la montre si l’on admet que son calibre n’a jamais été substitué.
 
Les mentions spéciales de certains extraits
Il est clair qu’au travers des différentes informations disponibles aux archives, il n’est en général pas possible de déterminer certaines configurations très singulières, comme, par exemple des cadrans rares ne rentrant probablement pas dans le cadre d’une production standard.
 
Si ces cadrans spéciaux sont bien mentionnés sur les extraits plus anciens, cela est probablement dû à une plus grande flexibilité de la procédure en place il y a quelques années : la montre était présentée à Bienne avec le cadran en question, et sur la base de cette simple observation, il était courant que le responsable de l’époque inscrive une description du cadran soit dans les remarques soit directement sur la ligne relative au cadran.
 
Mais il ne disposait en fait d’aucune information précise et certifiée dans les archives au sujet de cette particularité. Le marché des montres de collection, les habitudes des différents intervenants, les procédures de contrôle et surtout, les prix des montres étaient alors bien différents.
 
Malheureusement, ces extraits “ancienne génération” ont circulé, et ont même, il faut le reconnaître, continué à être émis pendant de nombreuses années. Ainsi, des clients et des collectionneurs de bonne foi ont pris l’habitude de voir s’échanger des montres rares et importantes accompagnées d’extraits mentionnant des spécificités qui n’avaient peut-être pas lieu d’être.
 
L’effet en fut tellement contre-productif que parfois, des acheteurs étaient même réticents à acheter des montres équipées de cadrans spéciaux mais dont les extraits indiquaient un cadran noir. Ou à l’inverse, certaines montres ont vu leur côte probablement surévaluée par un extrait mentionnant précisément la singularité de leur cadran.
 
Alors que ni l’une ni l’autre de ces situations n’a en fait jamais eu de fondement au regard des informations réellement disponibles aux archives.
 
L’absence d’extraits d’archives
A l’heure actuelle, les extraits d’archives Omega ne sont plus disponibles. Nous ne savons pas si cette situation est définitive, ou s’ils seront de nouveau produits par la marque, ni dans quelles conditions. Nous sommes souvent sollicités par des collectionneurs ne sachant comment se comporter face à une telle situation.
 
Notre première réponse consiste par conséquent à reprendre de manière très factuelle chacune des explications exposées dans cet article, en exposant les intérêts, finalement assez restreints, et les limites des extraits d’archives tels qu’ils existaient jusqu’à il y a quelques mois.
 
« Les extraits d’archives ne constituent pas et n’ont jamais constitué un gage de conformité des montres observées ».
 
Nous avons la chance de disposer d’une base de données propriétaire très importante, fruit de nombreuses années de recherches et d’observations, qui nous permet :
 • de connaitre la ou les configurations possibles d’une montre en fonction de son numéro de série,
 • d’avoir généralement une indication assez précise de l’année de production,
 • de pouvoir généralement certifier que le numéro de série correspond bien au modèle et/ou à la référence de la montre.
 
Toutefois, sans disposer de l’extrait d’archives, nous pouvons parfois être dans l’incapacité de certifier ces deux derniers points, et nous ne sommes pas non plus en mesure de déterminer le lieu de livraison.
 
Le problème de la référence
Cette question peut être illustrée comme suit : plusieurs modèles (et donc références) ont été équipés des mêmes types de calibre.
 
Par exemple, le calibre 861 a été installé sur des Speedmaster Moonwatch (référence ST 145.022) mais aussi sur des Speedmaster Mark II (référence ST 145.014) dans les années 1970.
 
Théoriquement, un mouvement 861 a donc pu donc être démonté d’une référence ST 145.022 et remonté dans une référence ST 145.014, évènement qui n’était sans doute pas si anormal que cela il y a quelques dizaines d’années.
 
Cette situation serait clairement mise en lumière par un extrait d’archives, qui stipulerait avec certitude la référence correcte, correspondant au numéro de série du mouvement à l’origine : ST 145.022 ou ST 145.014.
 
La question qui se pose alors concerne l’impact de cette information sur la valeur de la montre. Il s’agit d’une question complexe, à laquelle nous allons tenter de répondre au travers d’un autre exemple.
 
Imaginons maintenant que deux calibres 861 aient été échangés, comme dans le cas précédent, entre deux montres, mais cette fois-ci, de même référence (deux Speedmaster ST 145.022).
 
Il semble absolument logique de considérer que les deux cas de figure reposent exactement sur le même évènement, à savoir des mouvements totalement conformes (ce sont chacun des calibres 861, de conception strictement identique, et produits durant la même période), mais ne correspondant pas au mouvement réellement installé dans la montre à l’origine.
 
Ces deux cas sont donc comparables. Toutefois, dans le second exemple, l’extrait d’archives ne permettra en aucun cas de déceler le problème.

« Nous revenons donc sur ce qui constitue très probablement la seule problématique fondamentale lorsqu’il s’agit d’expertiser une montre de collection : la notion de conformité. A ne pas confondre, surtout, avec la notion d’originalité ».
 
Certifier l’originalité d’une montre reviendrait à certifier que chacun de ses éléments constitutifs n’a jamais été changé au cours de la vie de la montre, ce qui est strictement impossible, sauf pour une montre n’ayant jamais changé de propriétaire et n’ayant jamais été révisée.
 
Certifier la conformité d’une montre signifie en revanche vérifier que tous ses éléments constitutifs correspondent bien à la typologie de ceux qui étaient montés à l’origine. Ce qui est certes différent, mais cela consiste tout de même à garantir que l’aspect visuel de la montre est en tous points conforme à celui qu’elle avait lorsqu’elle est sortie des ateliers de la marque pour la première fois.
 
Date de production et lieu de livraison
Ces informations ne peuvent être obtenues avec certitude que par un extrait d’archives. Elles ne sont certes pas fondamentales pour l’expertise de la montre (sauf dans quelques rares cas particuliers), mais peuvent avoir une importance particulière aux yeux de certains acheteurs : par exemple, une personne souhaitant acheter une montre de son année de naissance.

Conclusion
Pour l’ensemble des raisons évoquées tout au long de cet article, nous considérons que l’absence d’extrait d’archives ne peut en aucun cas représenter un frein dans l’analyse ou l’achat d’une montre Omega de collection.
 
Et si nous voulions l’exprimer différemment, nous pourrions même dire que l’existence d’extraits dans le passé n’a finalement jamais empêché de présenter comme “certifiées” des montres ayant fait l’objet de remontages hasardeux, à des fins mercantiles ou non.
 
Les exemples sont nombreux, et par nature, il était impossible de se baser sur ces simples extraits pour aborder avec certitude des questions de conformité.
 
Par ailleurs, nous pouvons retenir que seules trois informations précises et fiables, liées au numéro de série du mouvement, seraient finalement utiles pour les collectionneurs :
 • la référence,
• la date de production,
• le lieu de livraison.
 
Pourrait-on imaginer une nouvelle procédure mise en place par la marque, extrêmement simple, consistant à restituer uniquement ces trois informations au détenteur d’une montre Omega, qui n’aurait pour ce faire qu’à renseigner le numéro de série de son mouvement ? Idée à suivre…


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Montres-de-luxe.com | Publié le Mercredi 9 Avril 2025 | Lu 1570 fois